vendredi 15 octobre 2010

Profession de foi.

Pourquoi je suis chrétien?

Je suis chrétien parce que je crois que Jésus est subversif, et je crois que ce monde a toujours eu besoin de subversion pour freiner et renverser la logique du mimétisme mortifère. La seule révolution plausible, est, pour moi, celle apportée avec l'Evangile; c'est la seule qui puisse changer un individu et une collectivité.
Je suis chrétien parce que je crois en l'efficacité de l'amour. Et l'amour ici ne saurait être autre chose qu'une radicalité de l'être soi pour être pour l'autre. Rien à voir avec du romantique, ni du sentimentalisme.
Je suis chrétien parce que je crois en la pérennité de la personne humaine et de l'esprit humain, et que seul, à mon sens, le christianisme offre une réponse cohérente à cette question.
Je suis chrétien parce que je crois en la valeur humanisante de l'esprit. L'esprit est ce qui nous rend semblable à nous, et nous dispose à devenir semblable à Dieu. Le christianisme est la seule religion où l'Esprit soit une personne divine.
Je suis chrétien parce que j'ai besoin personnellement ici et maintenant, et pour toujours, d'un salut.
Je suis chrétien parce que je tiens à mon corps, celui-ci, et que le christianisme est la seule religion qui pose un corps, une expérience physique humaine, assumée par une personne divine.
Je suis chrétien parce que le Verbe s'est fait chair, et que ma chair s'humanise pleinement par le verbe.

Pourquoi je suis catholique?

Je suis catholique parce que je crois que c'est la meilleure réalisation historique du christianisme, sa meilleure incarnation.
Je suis catholique parce que je crois que l'Église Catholique est l'une des seule institution à défendre intégralement et sans faille la personne humaine et ses droits à la vie, à toute la vie, biologique, morale, juridique, économique et sociale.
Je suis catholique parce que je suis humaniste, et que l'Eglise Catholique offre une vision de l'homme équilibrée, qui fait honneur à la matière tout en ne cédant rien de l'esprit.
Je suis catholique parce que j'aime ce qui est beau et que je crois que la beauté dit Dieu. L'Eglise Catholique à toujours été un défenseur de l'art et du beau.
Je suis catholique parce que c'est la seule confession chrétienne à rendre intégralement compte du donné évangélique tout en l'inculturant.
Je suis catholique parce qu'être catholique c'est être intégraliste, c'est-à-dire d'assumer et d'intégrer tout ce qui est vrai, juste et bon ailleurs.
Je suis catholique parce que je crois que les saints sont les vraies réalisations du christianisme, et qu'ils valent plus à eux tous que les erreurs historiques commises par des membres de l'Eglise Catholique.
Je suis catholique parce que je ne peux être chrétien tout seul, et que l'Eglise est un corps adaptée à mon corps, une personnalité morale adaptée à ma personnalité.

Le Sida et la justice immanente.

« Précisément, que pensez-vous du Sida ? Y voyez-vous une ‘punition de Dieu'  suite à la libération sexuelle ? » Voilà la question posée, par le journaliste.

La réponse de  Mgr André-Joseph Léonard : il ne s'agit « pas du tout » d'une punition : « On a posé à Jean-Paul II un jour cette question-là : « Est-ce que le sida est une punition de Dieu ? » Il a répondu avec beaucoup de sagesse : « Il est très difficile de connaître les intentions de Dieu ». Pour ma part, je ne raisonnerais pas du tout en ces termes. Tout au plus je verrais cette épidémie une sorte de justice immanente, pas du tout une punition, un peu comme, sur le plan écologique, quand on malmène l'environnement, il finit par nous malmener à son tour.  Et quand on malmène l'amour humain, peut-être finit-il par se venger, sans qu'il faille y faire intervenir une cause transcendante ». 

Il renvoie à l'explication des chercheurs : « Peut-être s'agit-il d'une justice immanente, mais quant aux causes immédiates, ce sont les médecins qui seront aptes à dire où cette maladie est née, comment elle s'est transmise au début, quelles ont été les voies de sa propagation ».

Poursuivant le rapprochement avec les mécanismes de l'écologie, il ajoute: « Si vous souhaitez une considération plus générale, je la verrais plutôt dans l'ordre d'une certaine justice immanente. Malmener la nature physique amène celle-ci à nous malmener, et malmener la nature profonde de l'amour humain finit toujours par engendrer des catastrophes à tous niveaux ».

(Monseigneur Léonard : Entretiens avec Louis Mathoux, p. 243)


Voilà, qui fait encore couler beaucoup d'encre, et se délier les langues. "Justice immanente" l'expression est lâchée et bien qu'elle soit mesurée, en elle-même, elle fait l'effet d'un chien fou, d'une bête féroce, pour l'opinion qui ne comprend pas, ne comprend plus, ne peut plus comprendre, ce que cette notion peut vouloir dire. Immanente ? c'est quoi "immanente?" et Justice? Quoi le Sida est juste? La maladie juste? Mais ce Léonard est pire qu'Hitler, un fou furieux, normal il est catho. etc...
Bref, l'évêque s'obstine à parler comme si tout le monde comprenait ses notions philosophiques et le drame est que personne ne pipe mot à ce qu'il dit. Il a beau jeu ensuite de répéter que le sida n'est pas une punition divine, et n'est donc pas le fruit d'une justice transcendance (le contraire d'une justice immanente), mais plus personne ne l'entend, plus personne ne veut l'entendre, et on préfère, pour de raisons mystérieuses, en rester à ce que l'on a compris, ou cru comprendre, ou voulu ou pu comprendre.

L'immanence s'oppose à la transcendance. L'immanence procède de la chose considérée en elle-même, sans faire intervenir une cause extérieure quelle qu'elle soit, ni divine, ni humaine. La nature qui se "révolte" contre les atteintes qu'on lui porte c'est de l'immanence, le poumon qui cancérise suite à un tabagisme forcené, c'est de l'immanence, celui qui meurt pour s'être jeté du 10e étage, c'est de l'immanence, et d'une certaine manière c'est "juste", non pas au sens  d'une sentence suite à un débat moral, d'une conformité morale, mais au sens où, dans l'ordre naturel, tel que nous le connaissons, il y a conformité entre la cause et l'effet. C'est de cette "justice" là que parle Léonard, et qui n'a rien à voir avec une justice morale, même si elle peut avoir des implications morales, ni avec des décrets humains, et encore moins, divins.

On peut ne pas être d'accord. Mais il faut amener le débat sur le terrain de la notion, ou des notions utilisées, c'est-à-dire ici en philosophie morale, en anthropologie morale, elles ne se trouvent pas ailleurs. Placer le débat, là où les notions ne sont pas, là où les notions ne parlent pas, c'est de la malhonnêteté intellectuelle pure. La critique est possible, elle est même souhaitable, mais encore faut-il comprendre ce que l'on critique, pour qu'elle soit autre chose que des cris d'orfraie. Mais un tel débat est-il possible? Ne se contente-t-on pas un peut vite de médiatiques indispositions? Rien n'est servi dans des affaires comme celle-ci, ni la vérité, ni l'honnêteté, ni la justice, ni la justesse, ni la compassion, ni rien qui ait encore quelque noblesse.

La faute n'en est pas qu'aux récipiendaires, elle est portée aussi en partie par le destinateur :  il faudrait qu'André prenne conscience que son discours est parfaitement inaudible, inintelligible par la plus part, parler de "justice immanente" risque fort de passer pour une énigme provocante, être totalement incomprise et, au final, être interprétée comme son exact contraire. 


http://www.lesoir.be/actualite/belgique/2010-10-14/mgr-leonard-le-sida-une-forme-de-justice-immanente-798239.php

On voit comment le SOIR, n'y comprend rien... et je ne dis rien des commentaires.

http://www.lesoir.be/actualite/belgique/2010-10-15/mgr-leonard-clarifie-son-point-de-vue-sur-le-sida-798356.php


Dans toute cette affaire, et dès qu'il s'agit du Sida, je pense que l'on est "possédés" par un discours qui vaut pour vulgate. En une époque qui fait fort de liquider tous les tabous, il est étonnant d'en voir apparaître d'autres. Aussi, le sida en est un, à plus d'un titre et notamment au niveau du discours que l'on tient à son propos.
Ainsi il est tenu qu'il s'agit là d'une grande calamité que seul et, seulement, le préservatif serait en mesure de juguler. Ce discours, relayé par des lobbys de toutes sortes, et gays notamment, est devenu dictatorial; il est interdit, impensable et intolérable d'en tenir un autre sous peine de passer, paradoxalement, pour un fou dangereux, un fasciste, un rétrograde, un réac. On est en droit de ce demander de quel côté est l'intolérance, et où se trouve la tyrannie, la tyrannie de la pensée unique et du consensus politiquement correct.
Lorsque l'Église parle du sida, elle en parle de son point de vue, qui n'est pas sanitaire, mais moral, vu que le sida, sa propagation, est lié, majoritairement, à un comportement qui relève aussi de la morale. Les actes humains, et la sexualité en fait partie, ont quelque chose à voir avec la morale, et l'Église alors défend ce qu'elle croit devoir défendre. C'est lui faire un procès d'intention que de lui reprocher de ne pas parler de sanitaire. Le préservatif est avant tout une solution sanitaire, l'Église, promouvant la fidélité, se place sur le plan de la morale, tout en disant que l'on ne peut en cette matière en rester uniquement au plan sanitaire. C'est son rôle et ce qu'Elle estime être son devoir, et encore heureux qu'Elle le dise, après chacun est libre d'entendre ou de ne pas entendre. Nul n'est obligé, en conscience, d'adhérer.

Parler du sida sans adopter la doxa, le discours majoritaire tenu pour seul légitime, c'est risquer de ne pas être compris et de faire face à un mur de sourds. Parler du sida, c'est toujours de manière implicite faire référence, consciemment ou non, à des pratiques sexuelles spécifiques et à des publics particuliers, nommément les homosexuels; on sait bien que cette maladie touche aussi des hétéros, il n'empêche que, parler de sida, c'est aussi parler d'homosexualité. Il est donc délicat d'aborder la problématique sida en termes strictement moraux, d'une part parce qu'il s'agit d'une maladie, et on a l'impression d'elle doit rester cantonnée à l'hôpital, où la compassion seule doit prévaloir, et d'autre part, parce que, tôt ou tard, on parlera d'homosexualité, et qu'en cette matière on ne peut pas parler dans la différence non plus, c'est-à-dire  en des termes autres que ceux convenus et "canonisés" par l'opinion majoritaire. Voilà donc comment se fonde les tabous nouveaux : à l'origine une maladie touchant à la sexualité et se transmettant par les rapports sexuels - rien de nouveau, la syphilis était pareille, en ce sens- ayant un impact symbolique fort, véhément, touchant le sang, le sperme, bref ce qui peu symboliser pour nous la vie - en là c'est différent de la syphilis. Ensuite, la maladie est liée aux homosexuels qui sont perçus, à tord ou à raison, comme les premières victimes de l'épidémie. La maladie y gagne son caractère infamant, discriminatoire, moralement discriminatoire - elle l'était déjà, une maladie est toujours discriminante-, elle est un stigmate venant frapper des personnes qui le sont déjà en raison de comportement moralement réprouvés. Bien que les mentalités aient changé là-dessus, nous en avons gardé quelque chose qui va précisément être le terreau du tabou. Dernière étape, évacuer la dimension morale comme inopérante dans cette matière. La sexualité est ainsi ramenée à un acte qui n'a pas plus de signification que de se vider la vessie, ou de manger à midi. L'acte sexuel n'ayant plus de portée morale, il ne reste qu'à parler de prévention sanitaire, et du sacrosaint préservatif. Et le tabou est en place. Il devient désormais interdit de parler d'autre chose, car cela serait réintroduire de la morale, et c'est là que le bât blesse.
Pourtant, si l'on s'arrête au préservatif, les associations qui le défendent - avec raison, même si je n'adhère pas à toutes leurs raisons- pose, le savent-elles? , un discours moral, voire moralisateur.
Moral : lorsque l'on défend l'usage du préservatif pour "préserver" l'autre dans le cadre d'un rapport sexuel, c'est moral ! Il ne s'agit pas d'autre chose, et cela même si, pour les dites associations, on fait plutôt preuve d'humanisme ou d'altruisme, toutes choses morales d'ailleurs. Aussi étrange que cela puisse paraitre, la morale évacuée réapparait, sans dire son nom, et c'est cela précisément qui en fait, parfois, un discours moralisateur.

Pour finir, cette précision : la morale n'est pas un petit catalogue de petits principes étriqués, mais la dynamique qui répond à cette question fondamentale "que dois-je faire pour bien faire"? La réponse à cette question implique une volonté de bien faire, et la conscience éclairée pour agir et prendre des décisions. Et là chacun est dans un face à face de soi à soi, où personne, ni associations, ni église, ni groupes de pression, ne saurait se substituer, ni, au final, intervenir dans la réponse personnelle, éminemment personnelle que l'on donne à la question. Voilà, je crois le seul humanisme qui vaille. Encore faut-il se poser la question et "se prendre un peu la tête".

lundi 11 octobre 2010

De la monarchie comme hochet français

La monarchie peut tout à fait se défendre comme système politique. Elle le peut partout, semble-t-il, sauf en France. En France, où tous les monarchistes sont des royalistes, divisés en deux camps qui plus est, adeptes du décorum, de la pompe et du faste. Il est fâcheux que ces quelques nostalgiques d'un protocole absolument révolu se liguent en chapelles et fassent un tort considérable au système monarchique. Tant que cette bande de chemises empesées, de coureurs de titres et de décoration, fera sa pathétique comédie, il se passera beaucoup de temps avant de voir qui d'Orléans, qui de Bourbon sur le trône de France; trône, qui plus est, remisé au placard à accessoires depuis belle lurette.
L'histoire de l'abolition de la monarchie en France est complexe. Et cette complexité justifie, je crois, de la non-légitimité de la cause monarchique, en tout les cas, de la manière dont elle est menée. Le supposé Roi, Louis dit XX, ou un autre, n'est qu'un fantoche, un jouet pour grands enfants ayant parfois perdu pied avec la plus triviale réalité. Et quand là-dessus vient se greffer une mystique religieuse, qui voit dans le roi de France, je ne sais quelle incarnation du messie, nous sommes alors en plein délire. Mais certains y tiennent à leur délire, autant que le chien à son os. On aimerait voir des monarchistes moins royalistes, plus réalistes, plus simples, plus concrets, ayant  enregistré que nous en sommes, tout de même, à la cinquième république. On aimerait avoir des défenseurs de la cause monarchique plus ancrés dans le réel, ayant les deux pieds sur la terre, et cessant de faire dire des messes pour le repos de l'âme de Maire-Antoinette ou de Louis XVI, morts tous deux de façon héroïque, aussi héroïque que vaine était une bonne partie de leur existence. Leur mémoire n'est pas ici insultée, je les aimes beaucoup même, mais la cause monarchique ne saurait se confondre avec le culte de personnalités qui ne sont ni saints, ni martyrs. Mais chaque année, le rite a lieu, le pèlerinage se fait, avec force dentelles, mantilles, or, et encens. Je préfère les monarchistes qui se sont battus en Vendée, en ce temps-là, des hommes et des femmes du peuple pour la plus part, portant sabots et ne cherchant aucune vaine gloire.
Mais ces monarchistes-là ont fait long feu.

mardi 5 octobre 2010

Du lobbyisme comme espèce de démocratie

Voilà qui est éloquent :

http://www.monde-diplomatique.fr/2010/06/RUFFIN/19200?utm_source=feedburner&ref=nf

La société est donc aux mains des nouveaux sophistes et l'on s'en réjouit comme d'une manifestation de la démocratie. Il est à craindre que de fait la démocratie aujourd'hui ne soit que cela : un réseau de groupes de pression, avec toutes les intentions du monde : les OGM, le pétrole, la cause des femmes, celle de l'islam, celle des petits pois, celle des borgnes manchots, celle des homosexuels divorcés-remariés-ayant-un-chien-et-voulant-adopter, bref le marché généralisé où chacun  défend son pré carré, ses intérêts communautaires. Imaginons, un instant, que chacun de nous soit un lobby à lui tout seul : l'horreur, nous nous taperions sur la figure pour faire valoir nos supposés droits, nom moderne de nos désirs égotiques.


La démocratie ne peut pas être cela, n'est pas cela : la loi du plus fort, celle du dernier qui a parlé a raison, même s'il dit des mensonges. Il faut craindre cependant que la démocratie, pratiquement, soit de fait cela : la foire d'empoigne, où le nombre aura toujours raison contre la vérité quelle qu'elle soit, où la force aura raison du faible, où l'argent aura raison de tout autre argument : nous vivons dans une espèce de démocratie darwinienne où la volonté de puissance est érigée en norme morale et en critère de sélection.


Je copie ici un article posté sur FB en juin dernier, je ne croyais pas si bien dire.

"Le lobbyisme, cette chose apparue au siècle dernier et qui se développe dans celui-ci, est détestable. Faire pression, user du pouvoir du nombre, de la puissance qu'octroie la foule, et si c'est nécessaire, de la force, est une chose fondamentalement méprisable, que cela soit pour des raisons politiques, mercantiles, religieuses, ou sexuelles.
On ne fait pas une politique, on ne gère pas la chose publique en tirant la couverture à soi, en faisant montre d'un égoïsme collectif érigé en valeur morale. La politique demande d'inévitables sacrifices et la recherche du bien commun, c'est-à-dire le bien du plus grand nombre, au-delà des biens et des intérêts privés. Les lobbys travaillent dans un tout autre sens, faisant valoir leurs uniques soucis, problèmes, intérêts.
En matière économique, la chose est encore plus désastreuse, car on ne s'encombre pas de justice, ni d'écologie, le rendement, l'intérêt mercantile, seuls sont les lois morales ou amorales à l'œuvre.
 En matière religieuse, la chose est tout simplement paradoxale, que cela soit pour les groupes musulmans, qui demande du hallal partout, pour les juifs qui veulent des positions politiques claires dans certains conflits, ou pour les catholiques, qui pratiquent un lobbyisme étrange, en quête de reconnaissance, et souvent de reconnaissance d'une identité chrétienne de la société occidentale.
Hélas, le concept hallal progresse, les positions politiques ne sont pas toujours prises dans le bon sens, et l'identité chrétienne de la société, il y a bien longtemps qu'elle est derrière nous, pour le meilleur et pour le pire.
Quant à la sexualité, qui appartient d'abord à la sphère privée, la voilà qui débarque, avec tambours et trompettes, dans la sphère publique, exigeant des cadres, des lois, des décrets, voire des peines, faisant surgir des droits fondamentaux que l'on aurait dits divins en d'autres temps. Tout cela sent la précipitation, le manque de réflexion, et le campement rigide sur des positions mimétiques.

La démocratie aujourd'hui semble bien être une démocratie des lobbys. Nous nous devons tous d'appartenir à des groupes, et des groupes de pressions de préférence. Parfois même nous appartenons à plusieurs dans une système de mathématique moderne à ensembles. L'ennui, c'est que nos propres intérêts sont parfois contradictoires, alors nous nous retrouvons dans une position schizophrène qui nous fait demander là ce que nous ne voulons pas ici. Élevons cela à une échelle d'une société, nous nous trouvons fasse à des injonctions paradoxales propres à conduire à la folie.

C'est toute l'histoire du lobbys : une puissance qui deviendra folle"

lundi 4 octobre 2010

De Sarko, des cathos.

http://www.lesechos.fr/economie-politique/politique/actu/020834536517-sarko-a-la-reconquete-des-cathos.htm

Les apocopes sont détestables. Elles rendent ridicules, dérisoires et peu sérieux les choses et les gens dont on les affuble. Ainsi le fameux "Sarko". J'ai beau ne pas chérir ce monsieur, il n'en reste pas moins qu'il a droit à tout la longueur de son nom, comme tout un chacun, et voire à un "Monsieur Sarkozy" ou "Monsieur le président de la République", en tout cas dans la presse écrite. Mais on sait que la presse écrite, et la parlée, prennent de plus en plus de distance avec la langue et parlent comme la rue, ignorant les, pas si vieux, registre de langage. Il est de même du très laid et quelque peu méprisant "catho", que certains catholiques voulant montrés qu'il sont in et branchés ont un peu vite adopté. Il est tout à fait notable que ne parle pas de "musul" d'un part, et que parler de "feuj" - ce qui n'est pas une apocope - est tout de suite méprisant et signe votre antisémitisme. Alors pourquoi le fameux "catho" ?

Pour revenir au fond de l'article, voilà dont Monsieur Sarkozy reprenant son bâton de pèlerin pour tenter de récupérer les catholiques déçus. Décidément, la politique n'est qu'une stratégie de communication qui ratisse large. Voilà le président se prenant pour Henri IV, et pensant sans doute que l'Elysée vaut bien une messe.

Cet homme a-t-il des convictions autres que politiques, c'est-à-dire, autre que des convictions opportunistes ?

Est-il autre chose qu'un mauvais sophiste? Je ne sais pas. Mais on n'a que le président que l'on mérite, après tout il n'est pas assis sur le trône républicain par la grâce du Dieu tout-puissant, mais pas le truchement des urnes. Dis-moi qui est ton président et je te dirai qui tu es.

dimanche 3 octobre 2010

Du tabou en général et de la pédophilie en particulier.

 On entend quelques fois, par-ci par-là, que quelqu'un, quelque chose, un spectacle par exemple, s'en prend aux tabous de notre société. Lesquels? Le sexe? Cela n'en est plus un depuis longtemps. La religion? Cela ne l'est plus non plus, par ici. Quoi alors? La question mérite d'être posée. Et réfléchissant voici quels sont les nouveaux tabous, que ses gens, ses spectacles, n'osent jamais aborder de peur d'être catalogués comme fascistes, ringards, "réacs", et les prétendus tabous aux quels ils s'en prennent sont déjà défoncés depuis longtemps.
Voici les tabous réels : dire par exemple qu'il existe des races - ce qui n'est pas, en soi, du racisme -, dire que l'homosexualité n'est pas normée, dire par exemple, que les juifs n'ont pas le monopole de la souffrance, parler de l'islam autrement que de manière convenue, prétendre que la Pape, par exemple, ne dit pas forcément des conneries en parlant du préservatif - qui ne dit pas ne pas devoir être mis, au passage, et le tabou d'entre les tabous ce qui touche à la pédophilie. A ce sujet, voici l'article que j'avais posté sur FB en son temps.
"Notre belle et généreuse société, poursuivant sont idéal de liberté sur tous les fronts, a envoyé ad patres tous les tabous. Tous sauf un : la pédophilie; qu'il faudrait plus justement appeler pédomanie, car après tous "aimer" les enfants c'est peut-être de la vertu, et certainement pas un vice.

Dernier tabou, il agit sur nos sociétés libérées comme le tabou primitif sur les tribus indiennes : il est le gardien et le fascinum de notre temps. L'enfant, de roi qu'il était, est devenu dieu, et pas seulement au sens habituel que l'on donne à ce terme, mais bien plus au sens du dieu sauvage et furieux à qui l'on sacrifiait victimes et boucs émissaires. Chose curieuse, le roi des mythes anciens devenait souvent la future victime, et aussi le futur dieu sanguinaire, selon un processus largement mis en évidence par René Girard.

Nous avons liquidé le libertinage, tout le monde peut s'envoyer en l'air avec tout le monde, pour autant que le sacro-saint "consentement" soit exprès. Nous avons liquidé l'homosexualité, les sexes peuvent désormais se mêler suivant leur bon vouloir et non plus suivant les nécessités biologiques. Nous avons liquidé tous les fétichismes, n'importe qui peut s'amuser avec n'importe quoi et bien mieux le faire savoir et le faire voir. Mais reste, planant comme la divinité tutélaire, capricieuse et imprévisible, l'enfant.

La pédomanie ou pédophilie, comme on voudra, reste un crime certes, il n'est pas question ici de louer une pratique blâmable et répugnante; mais il reste que le rapport de nos contemporains à cette triste pulsion est des plus problèmatique.
La pédophile semble se présenter comme le dernier vice-rempart, la dernière chose qui nous protègerait de l'apocalypse morale. Et de marches blanches, en marches silencieuses, et d'accusations en procès, le tabou se construit, prend sa stature sacrée et règne sur nous, exigeant ses victimes.



Frédéric Mitterand est de celle-là. Voilà un homme qui écrit un livre - roman? ou récit autobiographique? peu importe- le livre paraît il y a quatre ans, et on chante à qui mieux mieux les louanges de l'auteur, sans aucune fausses notes. Avait-il été vraiment lu? Puisque nous voici aujourd'hui devant l'affreuse accusation de pédophilie, agravée de tourisme sexuel - je ne sais pas trop ce que recouvre cette notion assez vague et passe partout. Si le livre avait été lu, pourquoi cette déferlante aujourd'hui? Pour des raisons politiques, c'est évident. S'il n'avait pas été lu, pourquoi à l'époque tant de louanges? Pour des raisons médiatiques. Et les deux types de raisons se retrouvent au final aujourd'hui, pour faire de l'infâme une victime politique et médiatique, une victime émissaire de tout ce que notre société n'arrive pas à évacuer, et notamment l'intérêt morbide porté à l'enfance. Je soutiens, en effet, que la passion qui nous dévore pour l'enfance - la nôtre, celle que nous avons eu, mais aussi l'enfance de l'enfant, qui est comme mise sur un piédestal - est des plus morbide et nous entraîne collectivement, et parfois, pour certains malheureux, individuellement vers des dérives, doublées de fanatisme, et d'adulation. Je veux dire que plus on "adore" l'enfant-dieu, plus le simple fait de le toucher, même en toute innocence, est suspect : une caresse, un regard, une baiser, deviennent la cause du scandale, et que dire alors quand caresse, regard, baiser sont les bagatelles de la porte, passez-moi l'expression. 
Il y a quarante ans on aurait accusé Frédéric Mitterrand  d'homosexualité, mais l'accusation aujourd'hui ne tient plus, l'homophobie n'étant pas du tout médiatique, alors on prend ce qui reste, le dernier tabou, et on lance "Pédophilie". Voilà, c'est net et prècis, ça fait du dégat, la ménagère remue dans son fauteuil, son mari déclare qui'il faudrait leur couper les couilles, on s'offusque, on se scandalise et au final on lynche.

Cela c'est aujourd'hui. Mais demain? Demain, quand la liberté, cette géante enfantée par nous, nous aura débarassée de tous les dieux, de tous les tabous, de tous les remparts, qu'en sera-t-il de l'enfant, et de la pédophilie? De quoi accusera-t-on ceux que l'on veut abattre? Le dernier tabou est un géant aux pieds d'argile, c'est le dernier, et après lui? "


L'affaire de la pédophile dans l'Eglise Catholique est du même ressort, mais nous sommes passés un cran au-dessus. On y reviendra.



samedi 2 octobre 2010

Une nuit blanche, et autres amusettes du même tonneau

On ne compte plus les fêtes populaires à tendance cultureuse : de la musique, du cinéma, des musées, des jardins, du patrimoine, et la fameuse nuit blanche. Le développement de ces événements est corrélatif à l'extension de la déculturation, car si les fêtes cultureuses progressent la culture, elle, régresse. La culture sérieuse, s'entend, pas les amusettes pour cerveaux désoeuvrés à qui l'on donne abusivement et de manière mensongère le nom de culture, et qui n'en mérite pas d'autres que celui de divertissement. En soi, le divertissement n'est en rien mauvais, au contraire, on ne peut vivre toujours dans le sérieux, et nous ne somme pas contre une franche partie de rigolade, et à ce titre, nous préférons le festival de la bière à Munich, que les nuits blanches, que l'on nous pardonne notre mauvais goût. . Ah, mais j'entends d'ici quelques voix amusées, me dire mais les nuits blanches sont sérieuses, on y rit pas ! C'est vrai on rit pas du tout.
Et l'establishment  de s'esbaudir de la fréquentation des blanches nuits, des grandes expositions et des musées où l'on ne sait plus comment attirer, un public ignare mais enthousiaste, docile mais écervelé, dont la bonne volonté tient en grande partie de l'imitation du voisin, et de la dynamique des foules, un public incapable, en majeure partie, de déchiffrer la moindre œuvre vue, plus que regardée d'ailleurs, une foule certes, heureuse sans doute, de participer à la liesse culturelle, à cette démocratisation joyeuse et événementielle de la culture. "La culture pour tous", voilà qui sonne le glas de la culture justement, à force d'être pour tous, elle risque bien de ne l'être pour personne, tant elle disparaît, se cache, se terre, s'amenuise. Si, en effet, la culture est destinée à tous, elle l'est non pas par braderie, mais par effort, par mérite, oui. N'importe qui peut, en droit, y accéder mais d'un manière personnelle, voulue, choisie, ce qui exige une ascèse, osons-le dire. Mais les références de cette culture-là, ne sont pas celle de la néo-bourgeoisie, cette classe générale, quasi unique aujourd'hui, qui règne, dicte, commande et ordonne à l'heure qu'il est. Les références de la culture néo-bourgeoise - d'aucune l'appelle petite-bourgeoisie - sont des références de bazar où tout se mêle et se confond, Haydn y côtoyant Elton John, les madrigaux de Monteverdi, Dalida, Mantegna s'y voit mêlé aux mangas, etc. Bref, un jus de culture qui ressemble fort à bouillon de onze heure. Et nous n'avons rien contre Elton John, rien contre les mangas, et rien, au contraire elle nous est chère,  contre Dalida. Mais tout de même, nous faisons une différence : Elton John n'est pas, par exemple, le plus grand musicien de tous les temps. "De tous les temps", voilà bien un expression qui fait florès aujourd'hui, et qui est d'une relativité toute relative. Cela commence où "tous les temps"? L'autre jour, je tombai sur le classement des dix plus belles chansons françaises de tous les temps, et hélas, aucune chanson de la Renaissance française, aucune du XVIIIe français, qui, Dieu sait, en comptait beaucoup. Non, "tous les temps" commençaient, pour ce classement, à Françoise Hardy - belle chanteuse au demeurant. Même pas Tony Rossy, ni Trenet, qui étaient renvoyés dans un temps préhistoriques : nous avons la mémoire courte, aussi, lorsque les foules, avides de culture, mimétique en diable, ont fini leur pérégrination dans la nuit, ou au musée, il est fort à parier qu'elle n'auront rien retenu, parce que rien vu, où alors quelques fulgurances peut-être, des fulgurances mêlées à l'allégresse d'avoir communier ensemble, benoîtement dans la célébration de la culture, avec un grand K. Et on prétend que la religion régresse... non pas, elle a changé de visage voilà tout.

Citons ici Renaud Camus.

"Il n'y a pas de culture possible en régime hyperdémocratique (...) et de fait nous la voyons disparaître sous nos yeux. Qu'elle soit prétendument partout n'abuse que ceux qui veulent être abusés : elle est partout parce qu'elle n'est nulle part. (...) Tout ce qui relève de près ou de loin du divertissement, de l'occupation des loisirs, de la gestion du temps libre, (...), est désormais paré du nom de culture, qu'il s'agisse de visite de caves en Touraine ou d'ateliers de macramé, de concerts d'électro-pop ou de one-man-show d'amuseurs : autant de prétextes à activités culturelles, prises en compte d'une âme égale et d'un cœur indifférent par les sociologues et les statisticiens de la culture. Même la gastronomie a été annexée. Et il n'y a pas jusqu'à l'institution la plus contraire à la culture, j'ai nommé la télévision, qui n'ait été rangée nominalement sous ses bannières (...)
Ainsi il n'y aurait jamais eu autant de monde dans les musées, ni de public dans les grands expositions. Et comme c'est vrai ! (...) Hélas si la culture s'est répandue, c'est comme le lait de Pérette, ou plutôt comme un précieux chrême échappé du ciboire qu'on laissé choir des clercs imprudents, ou demi-apostats, et ses filets sèchent en croûtes sur les dalles descellées du sanctuaire.
Qu'il y ait plus de monde que jamais autour des œuvres d'art, qu'il se télécharge sans cesse davantage de "titres", qu'il paraisse toujours plus de livres nouveaux, ces vérités sont aussi vraies, et de la même espèce de vérité, que la proposition vraie, vraie, vraie elle aussi selon laquelle il n'y a jamais eu autant de bacheliers - en conséquence de quoi un bachelier est incapable d'écrire une simple lettre, et même un e-mail a peu près poli sans trop de fautes d'orthographe, ne parlons pas d'un devoir de licence, quand bien même la licence est à peu près officiellement le nouveau baccalauréat ; tandis que dans les musées et les grandes expositions il est impossible de voir un tableau. Beaucoup de visiteurs y songent à peine, d'ailleurs : ils viennent plutôt voir le musée, ou l'avoir vu, et l' "expo" pour l'avoir "faite". Mais les rares musées qui ne se livrent pas à de grandes agitations médiatiques afin d'"attirer un public plus diversifié", de "réduire la fracture sociale" ou même de "créer du lien", sont déserts (c'est une des rares bonnes nouvelles de la période) ; et les mêmes tableaux devant lesquels les foules mécaniquement et médiatiquement émerveillées jouent des coudes au Grand Palais reposent paisiblement dans leur solitude coutumière à Valenciennes ou à Agen, le reste de l'année, quand ce n'est pas au Petit Palais, de l'autre côté de l'avenue.

L'époque et la société sont tout entières médiatiques et dans la dépendance de leur maîtres les médias, et pourtant ce que l'on voit régner de toute part, c'est l'immédiat. Les médias eux-mêmes sont l'immédiat. (...) Les contemporains ne détestent rien tant que le médiat, le détour, le délai, la syntaxe, les manières, les formes, la forme : autant dire la littérature, l'art, la culture et tous les protocoles de l'aliénation positive qui mettent de l'ailleurs dans l'ici, du pas-moi dans le moi et de l'autre dans le soi, à la grande horreur de tous les soi-mêmismes triomphants, dont on ne peut dire s'ils sont les grands propagateurs de l'ignorance ou sa plus pure manifestation - ses responsables ou bien sa conséquence."

Renaud Camus in La Grande déculturation, Paris, Fayard, 2008

vendredi 1 octobre 2010

La pudibonderie et Thésèse de Lisieux

La pudibonderie, son absence ou sa présence, semble être une grande préoccupation pour certains esprits de notre temps, et spécialement pour les esprits éclairés, qui se croient tels, en tout cas. Qu'est-ce que la pudibonderie? Voici une définition : " réserve excessive et généralement déplacée notamment en ce qui concerne les choses relatives à certaines parties du corps et au sexe." La pudibonderie n'est donc pas la pudeur, le rapport de celle-là à celle-ci, est un rapport d'excès : "réserve excessive", mais aussi un rapport de déplacement : "réserve excessive et généralement déplacée". Pour être pudibond, il faut avoir une réserve déplacée et en excès.
Déplacée, cela veut dire qu'elle ne devrait pas avoir lieu dans une configuration précise, une occasion qui ne requiert pas, par sa nature, la réserve susdite. Une réserve qui apparaitra doublement excessive donc, d'abord par son inadéquation avec l'instant ou le lieu et ensuite par son exagération quantitative. 

La pudibonderie donc est, au final, une faille de jugement, puisque elle se manifeste alors qu'elle ne le devrait pas, incapable qu'elle est de juger de l'opportunité de ne pas manifester sa réserve, et une faille non pas par défaut, mais pas excès, excès de défaut, plus précisément, c'est-à-dire qu'alors qu'elle pourrait le faire, la pudibonderie se retient de parler ou manifester des "choses relatives à certaines parties du corps ou du sexe".


Lorsque la réserve n'est ni déplacée, ni excessive, on a donc affaire non plus à la pudibonderie, mais à la pudeur, pudeur qui regarde, au premier chef, les mêmes choses que la pudibonderie, et non pas uniquement, comme une certaine tendance veut nous le faire croire, les sentiments intérieurs, pour être un peu vert, disons-le nettement : on ne craint plus de montrer son cul - et ne pas le faire serait pudibond - mais on tremble de parler de ses mouvements intérieurs, et le faire serait manquer de pudeur !


Le jugement qui doit s'opérer en matière de réserve est relatif à un espace-temps précis. Dans l'Angleterre victorienne, il était mal venu de montrer sa cheville dénudée, le faire était un attentat à la pudeur. Ne pas oser montrer ses mains nues, était sans doute pudibond. Au Moyen Age, période moins pudibonde qu'on le croit, dormir nu était habituel, et c'était sans doute faire preuve de pudibonderie que de vouloir à tout prix se mettre en chemise pour la nuit. Aujourd'hui, il est difficile, eu égard à une libéralisation des moeurs, de dire avec précision, ce qui relève de la pudeur et ce qui déjà est pudibonderie. La confusion qui peut exister entre les deux est déjà en soi un marqueur alarmant : il est fort à craindre, en notre époque sursaturée en images érotico-pornographiques, en sollicitations de toutes sortes, que la pudeur ait disparue, ou tend à disparaitre, pour ne laisser place qu'à la pudibonderie. En effet, dans le concert général, toute retenue, d'ordre physique ou sexuel, ne serait être interprétée que comme déplacée et excessive. Il est à parier que le curseur de la tolérance se déplacera encore d'avantage vers un libéralisation qui ne donnera plus à la pudeur l'occasion de s'exprimer. Aussi toute réserve sera, dans le déballage générale, pudibonderie.


Il est convenu - c'est la doxa commune et habituelle, qui de ses dogmes nous rebat les oreilles quotidiennement - que la pudibonderie et sa cousine, - ou sa fille, ou sa mère, les liens de parenté sont confus - la culpabilité, sont un héritage judéo-chrétien. Cela est entendu, cela est cru, cela est colporté par une opinion qui au fur et à mesure qu'elle croit et colporte perd en intensité lumineuse, pour parvenir, en bout de chaîne, à un ânonnement bêta, au vernis d'une pseudo-science : si vous voulez briller en société, au cours d'un apéritif-dinatoire, d'une sauterie, invoquez la culpabilité judéo-chrétienne, et ne vous faites pas passer pour un pudibond. 
Selon donc cette opinion, et logiquement, il n'y aurait ni pudibonderie - pudibonderie excessive est un pléonasme - ni culpabilité en régime islamique et encore moins athée. La culpabilité, corollaire de la pudibonderie, est une invention essentiellement chrétienne, enfin à ce qu'il paraît. Ah, le bienheureux monde d'avant l'an zéro, où la culpabilité, n'ayant pas encore été inventée, l'humanité gambadait nue, insouciante, sans réserve, toute à sa joie innocente. Quoi ? La tragédie grecque? Ah bon, il serait question de culpabilité dans la tragédie grecque? Est-ce possible? Pourtant, c'est bien avant le Christ non? 
Mais laissons la tragédie et ses états d'âme - ses prises de têtes, comme on dit si joliment aujourd'hui -, certaines idées toutes faites ont la dent dure, et celle qui veut que le christianisme haïsse le corps, soit pudibond, et culpabilisant, est l'une des plus dure qui soit. 


Notre époque à horreur de la pudeur quelle confond avec la pudibonderie, et nous voilà sommés de nous dévoiler, moins intérieurement d'ailleurs que physiquement, nous voilà appelés à l'étalage non pas de notre monde intérieur - qui aurait-il d'ailleurs à montrer si ce n'est la vacuité, tant est vaste le vide spirituel de ce temps-ci - mais de notre physique, et pas que le physique, mais aussi si possible, de ce que nous en faisons, à l'intime, pas de honte, vraie ou fausse, à avoir, venez comme vous êtes. La pornographie est devenue un mode d'exister en soi, et d'une banalité quotidienne. (Je n'ai rien contre la pornographie comme telle, c'est même très intéressant.) Un film qui évoque une sexualité liée au sentiment est pudibond, et dispense un message, par excès de morale, culpabilisant, des scènes explicites et longues dans un film non-classé X, normal, allez pas de pudibonderie excessive (sic), y'a tellement de sensibilité dans tout ça tu comprends, et puis un peu de provocation, pour bousculer les valeurs bourgeoises quoi. Mais diable, ce qui est éminemment bourgeois aujourd'hui c'est précisément le dictat du bousculement transgressif - prétendu - des valeurs, c'est la transgression élevée en obligation modale, en pose culturelle,  et c'est la bobo-attitude, néo-bourgeoise, pseudo-transgressive qui est devenue la norme. 
La vraie transgression aujourd'hui, c'est ne vouloir pas participer au concert, c'est s'en tenir à une réserve, et ne pas applaudir à chaque fesse qui se dévoile, à chaque phallus qui s'exhibe, à chaque coït qui s'étale, c'est croire encore en la valeur de la pudeur, et en sa valeur érotique surtout. Un idéal tout simplement.






Aujourd'hui, fête de Thérèse de l'Enfant-Jésus. En voilà bien une, qui serait vite taxée de pudibonde d' une part et d'exhibitionniste de l'autre. Pudibonde, elle le serait d'office par sa naissance dans la bourgeoisie de Normandie, par son éducation, par son siècle, par sa religion, par son choix de vie. La pauvre ! Pas gâtée, la fille. Exhibitionniste, impudique :  la voilà qui rédige, sur des carnets, la relation de sa vie intérieure. D'abord, ça ne nous regarde pas, on veut pas savoir ; cachez ce cœur, cette âme qu'on ne saurait voir, ensuite, et plus prosaïquement, on s'en moque. L'Eglise en a faite une sainte, et un docteur de l'Eglise - désolé, on ne dit pas doctoresse, ou docteure - elle partage ainsi avec Thérèse de Jésus d'Avila, et Catherine de Sienne, en ce qui regarde les femmes, cet honneur. C'est à dire, que sa "doctrine" spirituelle est reconnue comme universelle et ayant un teneur exceptionnelle. Thérèse de l'Enfant-Jésus confrontée à l'angoisse , à la névrose sans doute, à su avec elles composer et, en un siècle, dans un milieu, qui se faisait de Dieu un idée si peu évangélique, a été capable de trouver une voie vers un Dieu plus authentiquement chrétien, non pas une divinité menaçante installé sur son nuage de puissance, mais un Amour qui précède toujours celui qui le cherche. Pour le dire rapidement, elle est le point final à la crise janséniste, elle est le barrage à toute idée culpabilisante de Dieu. Elle est dans son expérience propre, dans sa chair, l'interrogation confiante et ,malgré les échecs, les tares, les déterminismes, les conditionnements, la preuve que la liberté existe. La liberté d'aller vers soi comme sujet, vers soi comme sujet d'une parole libre, d'une parole qui soit à soi vraiment, non pas dans le soi à soi de l'égotisme, mais dans le face à face avec l'Autre.