samedi 27 novembre 2010

Le chant des lendemains.

L'eschatologie, discours qui s'attache à ce qui regarde la fin, les fins, est cette partie de la théologie qui éclaire rétroactivement le discours théologique. Il ne peut y avoir une théologie sans eschatologie.
Il fut un temps où l'eschaton était une donnée culturelle assimilée. Je veux dire, que la fin, les fins, faisaient partie intégrante de notre culture, du magma culturel. Et cela tant du point de vue individuel que collectif. Chacun savait qu'il mourrait un jour, tôt ou tard, que cette mort était, après tout, quelque chose à vivre, qu'elle faisait, peut-être - un peut-être de moins en moins sûr, cependant - accéder à une autre qualité d'être. On savait aussi qu'aucune collectivité humaine, n'avait les promesses de la vie éternelle et que, comme d'autres, la nôtre, pourrait très bien disparaître. Cela étant on croyait aussi, presque sans s'en rendre compte, qu'on allait vers quelque part. L'idée moderne du progrès, et celle d'une histoire ascendante, sont les expressions sécularisés du discours eschatologique. Les fameux lendemains qui chantent sont du même ordre, une cristallisation politique de la foi en un téléologie, c'est-à-dire en une finalité de l'histoire humaine, et en une eschatologie, c'est-à-dire en une réalisation finale, définitive de la même histoire : de toute l'histoire, de chaque histoire, de toute la communauté humaine, de chaque personne, une récapitulation, une apocatastase, comme disent les orthodoxes.
Theilard de Chardin, aux vues persantes, voyait dans le Christ, le point oméga de l'Histoire, comme le point de fuite en peinture, qui met tout en perspective, mais n'appartenant pas lui-même au tableau. Tout convergeait vers lui : homme et Dieu; vers lui qui avait dans sa kénose, assumé la nature humaine sans renoncer à sa nature divine, lui qui était passé par la mort, et une mort violente, lui qui de cette chair meurtrie avait fait un symbole de victoire absolue sur la Mort, par sa Résurrection.
Qu'avons-nous là? Un mythe de plus? Une mythologie nouvelle? En partie, oui. Mais si ce n'est que mythologie, le génie qui l'a "inventée" mérite une admiration sans borne; car cette "mythologie", plus qu'aucune autre, a révolutionner l'univers et sa conception. Il y a plusieurs vérités possibles au christianisme : celle, relative - et "relatif " ici n'est pas pris péjorativement- de la vérité du mythe. Le christianisme dit des choses vraies, dit du vrai, en ce sens il fait œuvre de vérité, et comme tel ne demande ni la foi, ni l'adhésion, mais mérite attention, et respect comme tout autre chose qui dit du vrai. Mais, de manière absolue, le christianisme peut être autrement vrai : vrai parce que disant du vrai, il le réalise, il le manifeste, il est la vérité, il est le seul capable d'allier la relativité vraie et l'absolument vrai. Cette position là requiert l'adhésion intellectuelle, et celle du cœur. La vérité, dans ce second mouvement, à la fois relatif et absolu, n'est pas qu'une contemplation théorique, mais débouche forcément sur un agir, et un agir nourrit par l'eschaton, par la fin, par les fins.
Notre société, et la culture qu'elle produit, a perdu le sens de l'eschatologie, une fracture s'est produite, un désenchantement a eu lieu. Sous la culture de ce temps, il n'est plus rien, un grand vide, comme si, pour reprendre la métaphore en peinture, soudain, on perdait la perspective, et que l'on revenait à une représentation  a-perspectiviste, il n'y a plus aucun point de fuite hors du cadre, plus rien à deviner hors du tableau. N'existe plus que ce qui est perçu, le cadre, l'image, et le mur. Aussi bien, une société sans eschatologie est une société qui va dans le mur, et la nôtre - sans qu'il soit nécessaire, mon Dieu non, de rétablir la chrétienté - va droit dans la maçonnerie.

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