lundi 6 décembre 2010

Paternatalophobie

Noël, on le sait, est, de ce côté-ci de l'Europe, la période des dindes et des canards. Les malheureuses bêtes sont sacrifiées pour satisfaire la gourmandise et les délectations de bouche de beaucoup d'entre nous. On ne saurait, à vrai dire, se satisfaire d'un Noël sobre, non mercantile, plus proche de l'esprit de cette fête chrétienne. Mais qui se préoccupe de l'esprit de la fête, pourvu que dindes dindonnent, que cloches sonnent, que foie gras grassonnent et que champagne fasse digérer tout cela.




Tandis donc, que dindes trépassent, un autre personnage du drame natalice, passe et repasse : le Père Noël, ce lutin, ce troll, devenu grand et gros, qui, en grandissant et en prenant du ventre,  a volé le rouge du vêtement de Nicolas, évêque, et, dans la grande Amérique,  jusqu'à son nom. Le Père Noël est un voleur. Et il continue à voler, à vous voler vous, et à voler vos enfant, à voler les illusions de vos enfants. On aura compris, je suis atteint de paternatalophobie ou pour mieux dire de christogenopaternalophobie et inutile d'aller me dénoncer à la HALDE, ou à je ne sais quelle instance traquant la moindre manifestation phobique mieux qu'Inquisition ne faisait en son temps lorsqu'elle chassait l'hérétique. Inutile, vraiment, car cet affreux Jojo, est bien de chez nous, il a le teint clair, rosé même, n'est jamais au chômage, habite quelque part dans le Nord, où il  possède même tout un village, avec des serfs qui travaillent pour lui. Ah voilà bien quelqu'un qui ne sait pas ce qu'est une cité du nord de Paris - de toute façon, on ne l'y attend pas. Le Père Noël, est le plus grand capitaliste qui soit, un esclavagiste en plus et un misogyne. Il a bien une femme, mais qui la voit? Hein? Elle est retenue à la maison, devant sans doute, préparer la soupe, lui laver le linge, le repasser, nourrir les rênes, les étriller, bref, jouer à la fée du logis, tandis que l'autre est sensé parcourir le monde.
Ah, on peut le dire, Monsieur Noël a trouvé le filon. Après la guerre, il s'est invité chez nous, et comme font les vampires, il suffit que vous lui ayez ouvert une fois votre porte, pour qu'il revienne l'année d'après sans que vous lui ayez rien demandé. Il est comme ça le Père Noël, il revient toujours. Mieux, c'est lui qui le premier, à mis au point le clonage. On le voit partout, partout, pas toujours très ressemblant d'ailleurs, mais tout de même, pour un être humain, pas encore arrivé au terme de son développement, le change est donné.
Avant qu'il n'apparaisse, multiple et ubiquiste, nous possédions d'autres personnages de Noël. L’Espagne recevait ses cadeaux des Rois Mages, l'Italie de la Befana ( le nom de cette sorcière vient d’Épiphanie), le Portugal, de l'Enfant-Jésus, la Belgique, une partie de la France, de Saint Nicolas. Mais le Père Noël a tout balayé. Oh, il y a de la résistance en Italie et en Espagne surtout, et Belgique, pays du compromis, Saint Nicolas et le Père Noël, coexistent tant bien que mal,  ils ne sont toujours pas arrivés à un accord satisfaisant cependant et on craint le pire : que le brave Nicolas soit tout simplement évincé, qu'il ne devienne qu'une éminence rouge, sans mitre, sans crosse, sans croix, sans tout ce qui pourrait rappeler ses origines chrétiennes, qui, comme on le sait, est une horreur pour nos temps de multiculturalisme à sens unique.

Ah non, je n'aime pas le Père Noël. Je n'aime pas que l'on fasse croire aux enfants que cet individu sans vergogne existe et leur veut du bien, je n'aime pas que l'on sacrifice, bêtement, sous le patronage du Lutin Rouge, aux rites des cadeaux, avec comme devise " Plus c'est gros, plus c'est beau". Je n'aime pas, non, que l'on détourne ainsi le bel esprit de cette fête, si simple en réalité, en prétexte idiot à la dépense, aux allées et venues somptuaires, je n'aime pas que l'on fasse de ce temps le grand moment de la consommation, alors qu'il devrait être celui du don, et du don de soi, pour commencer, que le présent offert symbolise.

Je souhaite la mort du Père Noël, opium des gosses, et jouissance stupide des adultes qui, en quête de leur âme d'enfant, s'émerveillent de voir leur progéniture se réjouir ou pleurer à l'apparition du Patron de la Fête.

Et dire que toute cette histoire avait commencée par un couple qui ne trouvait pas de place dans la ville pour se loger, d'un marmot couché dans une mangeoire, de bergers rustres, d'un ou deux anges à la limite. Une nuit, quelque part, au Levant.

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