mardi 11 janvier 2011

Têtu ou le caprice de papier.

Le choc est d'autant plus grand que grande avait été la période sans avoir croisé la route d'un Têtu ou d'une Pref, magazines emblématiques de la gayattitude francophone. S'agissait-il d'un choc culturel? Rien de moins sûr tant ces publications tiennent du niveau moins un de la culture. Où alors nous "parlons" de culture dans son acception archi-moderne, c'est-à-dire de la culture comme malstrom de tout ce qui advient dans le champ, sans même opérer un tri, sans même intégrer une instance critique. La culture ainsi considérée c'est le tout venant, ça commence avec la porno star, ça se poursuit avec Lady Gaga - promue philosophe pragmatique pour l'occasion- et ça se termine avec Spinoza - parce qu'il est à la mode, une fois la mode passée... -  passé à la moulinette. A moins que cela ne débute avec Sartre, se poursuive par Genet, vite récupéré, le pauvre, et se termine en apothéose sur le sperme lâché par la nouvelle coqueluche bien montée et montant de la pornosphère. L'ordre n'a pas d'importance, ce qui compte c'est le fil conducteur de tout ce déballage, et ce fil conducteur, à lire attentivement les fastidieuses pages des revues, est constitué par les trois premières lettres du mot culture. Voilà, le fondement de cette avalanche d'images, de mots, et de revendications, car si ici on promeut le sexe libre et décomplexé, si on incrimine la sempiternelle culpabilité judéo-chrétienne, ici on revendique le droit au mariage et à celui d'avoir des enfants, sans oublier celui de s'habiller comme on veut, de se coiffer de même, et celui de dire tout ce qui passe par la tête. Des revues fourre-tout, comme si la gayattitude, était elle aussi fourre-tout, comme si en définitive, l'homosexualité était, fondamentalement, un vaste manège où tout se mêle et se mélange sans ligne conductrice. Ces revues défendent sans doute un mode de vie, une volonté de vivre, qui a quelque chose de sur-humain, au sens de Nietzsche, une volonté de puissance est à l'œuvre, ce qui ne saurait être étonnant de la part d'adorateurs du phallus. Le phallus apparaît comme le fascinum, la divinité tutélaire, le grand parrain de cette entreprise journalistique. On peut être homosexuel autrement je pense, sans aucune obligation de devoir sacrifier à cette divinité-là, et en ne devant pas lire les organes de son culte. Et à tout prendre, personnellement je préfère encore une revue porno : au moins elle a le mérite d'être franche, et par sa trop grande franchise de rompre le lien subtil.

Têtu, vulgate du gay de base, et Pref, sa version plus élaborée, sont symptomatiques de la "pensée" d'un certain milieu gay, "pensée" étant utilisé ici dans le sens le plus commun, car en termes de pensée réelle, ces revues en maquent cruellement. Un symptôme qui est caractérisé par le caprice égotique, énonçable comme suit : ce que je veux ici et maintenant, il faut que je l'ai. L'objet peut-être un mari, une cérémonie, un enfant, un iphone, une bite, un cul, deux bites, trois culs... Je dois pouvoir avoir accès à tout ce que mon désir, ma pulsion, mon vouloir, m'indiquent. Si Têtu est têtu c'est à la manière de l'enfant capricieux qui tant qu'il n'aura pas obtenu ce qu'il voulait, crie, pleure et tape du pied, un fois la chose obtenue, il se choisi un autre objet et recommence son cinéma.

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