lundi 21 février 2011

Démocratie sous le croissant.

On entend dire partout et par tous : la démocratie est en marche dans les pays arabes. Certes, au sens strict, ce qui se passe en Tunisie, Egypte, Lybie et ailleurs, est bien de la démocratie. Il s'agit du peuple qui exerce son pouvoir : celui de destituer le tyran. Et il faut se réjouir de ce que les tyrans ne soient plus, il faut se réjouir de ce que des peuples opprimés aient pu trouver l'énergie nécessaire pour secouer le joug des puissants cupides et narcissiques, oui il faut s'en réjouir ! La Tunisie a dans ce soulèvement général la place de modèle puisque c'est à partir d'elle que la contagion "démocratique" s'est répandue. La Tunisie a montré aux autres l'objet à désirer ici et maintenant : la fin de règnes personnels et sans doute, quoique confusément, quelque chose de la liberté. On a souligner le rôle joué par facebook dans toute cette affaire. Souligner ce rôle, c'est en fin de compte encore, d'une certaine façon, marquer la place de l'occident; car si la Tunisie est le modèle du soulèvement, le modèle de la liberté et celui de l'énergie indispensable pour renverser des dictatures, c'est l'occident. L'occident qui, quoiqu'on en dise, demeure le modèle unique du monde globalisé.

Que va devenir ce mouvement populaire ? Que peuvent devenir les balbutiements de la démocratie en pays d'islam où un islamiste ou l'autre attend toujours le moment pour sortir du fourré? Ce serait quoi une démocratie en terre musulmane ou, bien qu'improbable, une démocratie islamique? Il faut le reconnaitre, la chose ne s'est jamais encore réalisée tant le système démocratique répugne à une théocratie, c'est vrai pour l'islam comme cela l'a été pour le catholicisme au XIXe siècle.

Ce qui se joue à cette heure dans cette partie du monde, ce désir de démocratie, désir confus, devra se mesurer tôt ou tard avec l'islam. Soit l'islam, à un certain moment, fait l'expérience de la mort de Dieu, expérience fondatrice de modernité, autrement dit, il fait l'expérience de la critique et se l'applique. Soit il s'amenuise connaissant dans ses rangs apostasies, et défections, autrement dit, il se confronte lui-aussi à agnosticisme et à l'athéisme. Soit il se durcit, campant sur ses positions fondamentales. L'un ou l'autre chose, l'une et l'autre chose sont possibles.

Les soulèvements "démocratiques" ont lieu dans des pays musulmans, cela n'est pas anodin, cela a forcément des conséquences religieuses, puisque, en islam, la politique n'est jamais très loin de la religion.

jeudi 3 février 2011

Fragile aisance

Certes y'a pas à dire, l'informatique et le web nous ont facilité la vie, ça c'est sûr. C'est même plus que sûr, c'est devenu une seconde nature, et parfois je me demande si ce n'est pas devenu la nature tout court. Après le Sapien Sapien, voici arrivé le Sapien Informaticus. On s'est tellement identifié avec cet outil, que l'on ne songe même plus à ce qu'il est en vérité : une fragilisation extrême de ce que nous sommes, de notre mémoire, des informations, de la culture, bref une relativisation de notre humanité.
Nous avons remplacé en moins de vingt ans notre identité par celle de la technique, nous ne sommes plus des animaux rationnels nous sommes devenus des animaux techniques et de technique informatique, dont l'intention ultime est le virtuel : culture virtuelle, commerce virtuel, amours virtuels, relations virtuelles, l'homme en définitive n'est plus le concret dans l'acte, mais uniquement dans la puissance, au sens aristotélicien du terme, dans le possible. Si la puissance d'Aristote avait comme fin, se réalisait, s'accomplissait dans l'acte, notre puissance à nous, n'a aucune nécessité de s'épanouir dans l'acte, il lui suffit d'être puissance, de rester puissance et de ne jamais s'actialiser, c'est ce qu'est la virtualité : une puissance de puissance.

On expérimente la fragilité d'un tel système. Confiez votre vie à votre ordinateur, du jour au lendemain, tout peut disparaître : vos archives, vos moments de bonheur, vos affaires, votre intimité, une bibliothèque, une photothèque, une discothèque, tout s'envole en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Ainsi à chaque moment partout sur le globe, ce ne sont pas une bibliothèque d'Alexandrie qui flambe mais des milliers de traces de vie humaines qui disparaissent dans le virtuelle binaire comme elles y étaient venues. On me dit mais il faut protéger. Oui oui protégeons ! Faisons des copies sur CD, mais le cd a une vie compté, et qui plus est, il n'est pas rare de que CD ne marche plus, pourquoi? comment? Je ne sais pas. Oui mais il fallait protéger sur disque dur. Ah bon, sur disque dur? Allons. Bon mais le disque dur peut lui aussi défaillir. Il fallait donc enregistrer sur CD et sur disque dur. Multiplier les copies. D'accord, mais cela doit être fait en combien d'exemplaires pour être sur que quelque chose, tout de même perdure? Alors voilà, nous sommes condamnés à copier et recopier sur tous les supports possibles : cd, disques durs, clef usb, disques mous, disques ronds, carrés, copier sur les murs, sur des cahiers, sur ipod, ipad, sur smartphone, faire un listing de toutes les copies disponibles, et copier ce listing sur tous les supports possibles et imaginables, mettre cette copie dans la mémoire d'un ordinateur central et recommencer puisque l'ordinnateur central est défaillant lui-aussi. Faire une copie des informations contenues dedans sur tous les supports possible, disques ultra durs, clef usb à la mémoire démentielle, sur cd rom ultra performant, recopier encore, et encore, copier, recopier, sur disques durs, sur ordinnateur de poche, de bureaux, centraux, décentrés, sur pc, sur mac, sur le nouveau machin, la nouvelle machine, avec le dernier logiciel, avec la dernière application : copier, copier, copier...

Les dieux de la technique sont impitoyables. Maudites divinités !