lundi 28 mars 2011

Nouvelles formes de religions.

La religion , cela est obvie, a été évacuée de nos sociétés contemporaines, du moins sous nos latitudes, parce que pour d'autres contemporanéités, elle demeure bien présente, voire elle prend du poil de la bête; ici la religion, et la religiosité - puisqu'aussi bien il existe une différence entre ces deux notions - persiste et s'amplifie.
Pour en revenir à nous, notre société est devenue séculière, entendons profane, et le revendique haut et fort comme un titre de gloire et de fierté. Il fallait que cela advienne sans doute. Il fallait la grande apostasie générale - qui n'en est pas une en réalité - qui n'est qu'une forme pratique de l'indifférence assumée, et parfois d'une certaine peur épidermique de tout ce qui est directement religieux. Il fallait certes la critique de ce que la religion drainait avec elle, de ce qu'elle charriait de religiosité justement. Il fallait l'évacuation d'une certaine forme d'aliénation, oui il fallait tout cela.
Au terme, pour les esprits forts que nous sommes presque tous devenus, la religion est au mieux  un bibelot pour âme inquiètes, au pire le symptôme d'une structure psychique débile : une espèce d'effervescence d'un cœur malade, le signe certain d'une faiblesse de constitution.
Ce que le XIXe siècle avait préparé, le XXe réalisé, ce siècle-ci le sublime et enterrine la disparition du religieux.
Enfin, c'est ce que l'on croit, car si les crédos et les dogmes ont été contesté et prié de disparaitre, la religiosité a été remplacée, en nos heures contemporaines, par des engagements multiples pour de multiples causes : sida, défense du monde animal, défense de la couche d'ozone, cancer; respect de la mer, respect de la femme, de l'enfant, etc. Comme jadis on entrait en religion, ou l'on s'enrôlait dans l'un ou l'autre confrérie, aujourd'hui on s'engage, passionnément, dans l'une ou l'autre organisation "citoyenne". Et c'est avec une ferveur, une dévotion, une conviction analogues à celles de naguère que l'on milite sous la bannière d'une des causes qui font florès aujourd'hui.
La religion donc et sa forme dégénérée, la religiosité, n'a donc pas disparue de nos sociétés. Les dogmes eux-mêmes et les injonctions à croire et à adhérer n'ont pas, comme on pouvait le penser, disparus. La religion subsiste modifiée sous la forme d'une religiosité diffuse, vague, floue, profane, laïque et citoyenne. C'est du moins l'une de ses formes, car elle en connait d'autres - la forme culturelle par exemple - mais c'est un autre dossier. Cette nouvelle religiosité est constituée d'impératifs et d'injonctions et n'oblige pas moins que celle que l'on avait cru tuer pour de bon.
La religion ne disparaît pas, elle change de visage et les traits qu'elle prend sont parfois ceux d'un masque, car l'homme, apparemment, est fondamentalement un animal religieux, il semble être  par destination orienté vers l'adoption de comportements, individuels ou collectifs, qui sont du registre du religieux. Dès lors la critique unilatérale de la religion dans son acception classique, c'est-à-dire comme corps organisé de rites et de dogmes, cette critique donc, peut être, une certaine forme de l'ineptie. Critiquer une religion sans critiquer toutes les manifestations du "religieux", toutes les formes de religiosités, et même celles qui avancent masquées, revient à faire un procès d'intention non pas à la religiosité en tant que telle, mais bien à la religion comme philosophie qui oblige en conscience, qui interpelle, qui propose, qui excite, qui provoque à l'examen intime et, parfois, au changement. Cette religion là, fait peur, angoisse, et au final suscite la haine. La vérité éventuelle que pourrait posséder cette forme de religion est évacuée au profit d'engagements qui, s'ils demandent une conviction pratique et parfois morale, n'obligent pas à une conversion, à un changement radical du cœur. Au final, nos "religions"  sociétales laissent l'âme froide, le cœur seul, ne parle ni de Beauté, ni de Bien, en deviennent inhumaines à force d'être trop humaines, seulement humaines et ne changent rien, ni à nous-mêmes et à l'interrogation que nous portons tous, ni au monde.

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