lundi 3 octobre 2011

Sur l'art-contemporain.

L'art dit "contemporain" - les termes juxtaposés font concept où si l'on préfère deviennent une catégorie en soi, autant pour l'historien d'art que dans  la contemporanéité de l’œuvre d'art - ne peut aller bien loin. Abscons, sibyllin par essence et par destination, ayant révoqué avec perte et fracas la catégorie du beau pour ne retenir que celle du sens, bien que masquant celui-ci sous les formes les plus diverses, les plus provocantes, les plus aptes à mettre le sens, précisément, en questionnement, l'art-contemporain ne saurait s'adresser qu'à une élite de "connaisseurs", élite rasante, imbue de sa singularité, de sa capacité à se distinguer des autres, de ceux qui ne comprennent pas, élite friande de concepts philosophiques, peu chers et immédiats, dont elle pourra, le moment venu, agrémenter ses dîners en ville. Et les autres - ceux qui ne comprennent pas ce qu'il y a à comprendre - se moquent bien de cet exercice de haute voltige prétendue, et pensent à autre chose, sans même prendre la peine d'essayer de comprendre. Car avec l'art-contemporain, il s'agit de comprendre, d'avoir la clef absolue. Il est ainsi devenu un nouveau sphinx questionnant sans cesse, posant ses fastidieuses énigmes aux passants que nous sommes. Le beau, le laid, sont à mettre au placard des notions sans valeur. Mais la pertinence, la légitimité, le sens, le "faire-sens", sont les valeurs brandies par notre monstre interrogateur. L'art-contemporain interroge, c'est tout ce qu'il fait d'ailleurs, et souvent sans même connaître la réponse, et sans savoir si réponse il y a. La question à son sens du fait même d'être question. Si à l'époque de Michel Ange, l’œuvre avait une raison d'être, presque indépendamment de l'artiste, aujourd'hui c'est l'inverse : l’œuvre n'a pour ainsi dire aucune importance ce qui compte c'est l'artiste : l'artiste est devenu son œuvre. Quand je parle d’œuvre, je parle de la chose tangible, sensible, palpable, de l'artefact, sachant que cette notion elle-aussi n'a plus de place; on peut ainsi, aujourd'hui, concevoir parfaitement une œuvre virtuelle, parfaitement virtuelle, pourvu que l'artiste y songe. La prise de la place de l’œuvre par l'artiste n'est que le dernier avatar des confuses et pénétrées mutations de l'artiste depuis Vasari. L'artiste chassant l'art, est devenu la seule chose qui importe, lui, son cerveau, son entrejambe, son estomac et toute la pensée circonstanciée que tout cela engendre.

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