mardi 8 novembre 2011

Des clefs cachées du génie européen.

Elles sont trois, peut-être quatre, mais je n'en suis pas sûr, je n'arrive pas à me décider, et pourtant j'ai bien tout soupesé. Mais bon, oui, elles sont d'abord trois, ça j'en suis certain. Trois villes européennes capitales pour la compréhension d'une histoire qui ne se voit pas. Je ne parle pas ici de la grande histoire avec son grand "H" et son grand "G", pas plus que de la petite histoire d'ailleurs, je parle de celle qui se joue à l'ombre, dans le secret, en sourdine, à l'obscure, souvent aux marges, mais qui imprime sa marque plus sûrement que celle qui s'étale au plein soleil. Celle-ci donne un corps, celle-là fonde une âme. L'une donne un cadre, l'autre  un esprit. Trois donc : Rome, Lisbonne et Prague. Quatre, peut-être : Venise. Les autres, toutes les autres, n'y peuvent rien, restent au soleil de l'évidence.

Rome d'abord. Pluri-capitale. Un empire absorbé par une doctrine orientale. Une puissance digérée par l'éloge de la faiblesse. Un système centrifuge assimilé par un système centripète. La Rome impériale rendue à la Rome chrétienne. En ce sens, Rome possède la clef d'une alliance paradoxale, où la force des forts est vaincue par celle des faibles. Rome donc est le cœur pulsant de notre civilisation, et elle renferme une des clefs de la compréhension de ce que nous sommes comme occidentaux.



Et si les légions de l'empire ne sont point allées partout, celles du Christ sont allées plus loin mais toujours en référence à Rome. Et lorsque la réforme protestante arrachera l'Europe du Nord au catholicisme, ce sera encore en référence à Rome, au moins pour s'y opposer. Rome donc est une matrice d'idées et de génies.

Lisbonne. Capitale d'un pays qui en réalité ne l'est que par volonté humaine. Un pays qui a toujours cru à son existence providentielle, c'est-à-dire simultanément à sa faiblesse et à sa force. Sa faiblesse, puisqu'il a besoin d'une Providence pour établir sa légitimité à être; sa force puisque s'il est, il est par élection providentielle. Un destin donc s'offre, ou plutôt s'impose à lui : l'autre. L'autre qui est d'abord proche, ensuite  lointain, avant que ce ne soit le Tout Autre.



Lisbonne héritière européenne de la sagesse juive, porte en elle, une autre des clefs de ce que nous sommes. Dans son génie très particulier, le Portugal allie la découverte de l'autre et le culte du soi. Il offre une mystique de la découverte qui façonne l'âme européenne, par la création de nouveaux mythes. Enfin, Lisbonne fut matrice d'autres civilisations et point de départ de l'expansion d'un imaginaire fortement influencé par le crypto-judaïsme.

Prague. Capitale d'empire, elle aussi. Point de rencontre entre l'ouest et l'est. Ni au levant exactement, ni au couchant, ni latine, ni allemande, ni romaine, ni protestante. Rendez-vous de l'alchimie et d'une certaine Kabbale, Prague est pour cette partie de l'Europe ce que Lisbonne est pour l'autre.



Mais ce que Lisbonne a acquis sur les mers, Prague l'a obtenu dans le silence de l'âme. Si pour Lisbonne la mer est une figure psychique, pour Prague c'est l'âme qui est figure du voyage.

Et Venise? Je ne sais. Certes Venise est à cheval entre deux mondes : occident et orient; elle possède un génie propre assez comparable à celui de Lisbonne. Cependant, elle reçu de Lisbonne, sans le vouloir, une partie des clefs. Alors que faire, la compter ou non?

 Et Londres, et Paris? Et bien, deux villes importantes certes mais qui, comme je le disais, sont importantes à un autre niveau. Elles sont de l'ordre du connu, de l'éveil, du conscient. Rome, Lisbonne, Prague, et peut-être Venise, sont de l'ordre, du méconnu, du sommeil, de l'inconscient; pour tout dire du voilement. Or une civilisation est toujours composée de choses évidentes et dévoilées, et d'autres voilées et sibyllines. Et ces dernières, dans l'ordre de l'esprit, sont capitales.

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