lundi 28 novembre 2011

Haïti, Dieu et autres misères.( publié une première fois sur FB)

Faisons, voulez-vous, l'hypothèse suivante, insensée il est vrai, mais tout de même, faisons-la : Dieu est. Poursuivons : le mal physique (ras de marée, tremblements de terre, typhons, mais aussi handicaps, maladies et mort) existe. Ceci n'est pas une hypothèse, c'est un fait vérifiable tout le temps, quasi à chaque minute de la vie terrestre. Mais encore : le mal moral (mensonges, meurtres, mépris de l'autre sous toutes ses formes, exploitation de l'homme, exploitation de la nature, viols, vols, atteintes à l'intégrité morale, psychologique et physique de l'autre, etc.) lui aussi existe.
Le premier échappe presque totalement à notre maîtrise.Presque mais pas tout à fait, nous pouvons parfois le prévoir, et surtout, nous pouvons atténuer sensiblement ses effets ravageurs. Pour ce qui est du second, nous avons la possibilité presque entière de le maîtriser, puisque pour beaucoup, il dépend de notre volonté.
Le mal moral ce n'est pas qu'Auschwitz, il commence par moi, par l'insulte, la duplicité ; il est à ma portée, et j'en suis souvent un acteur. Je suis libre d'y prendre part ou non, et d'en vivre, ou non, les conséquences. Je suis libre; le mal moral prend racine dans ma liberté. Le Dieu de l'hypothèse de départ, n'a rien à voir dans l'affaire, il n'est pas responsable du mal moral qui advient, et il ne le permet pas plus. Il permet simplement que la liberté soit. Il veut que la liberté soit. Car la liberté à quelque chose à voir avec lui.
Le mal physique échappe à la liberté et échappe en conséquence à Dieu lui-même qui ne l'autorise pas plus que le mal moral. La nature à ses lois, des lois qui en soit ne sont ni bonnes, ni cruelles, elles sont des lois naturelles, sans conscience, qui suivent leur court. Dieu n'est pas Merlin l'enchanteur qui d'un coup de baguette magique détourne l'ouragan, apaise les flots, calme la terre, retient les avalanches, Dieu n'est pas Américain, il ne fait pas d'interventionnisme. Mais revenons à notre liberté.
Dans le cas d'Haïti, le tremblement de terre aurait pu faire beaucoup moins de victimes, si on avait construit dans des normes antisismiques, si les populations étaient moins pauvres, si on c'était préoccupé plus tôt de ce pays à l'indigence scandaleuse, si le système économique mondial était autre, si les politiciens étaient plus soucieux du bien commun... si en fait la liberté avait été exercée plus moralement et orientée vers le bien véritable. Ce n'était pas le cas en Haïti. Accusé Dieu, d'être en définitive le grand responsable - en les autorisant - du mal physique et du mal moral, comme le fait Jean Daniel dans son éditorial du NouvelOBS 2359, est d'une facilité intellectuelle appartenant à d'autres temps.

La pauvreté de Haïti repose en grande partie sur des causes humaines; elle est en partie morale. Dieu n'a rien à voir là-dedans, pas plus que dans les destructions dues au tsunami en Indonésie. Et la mort d'un homme est toujours la mort d'un homme, qu'il soit pauvre ou riche, qu'il soit un touriste ou un mendiant.
Mais tout cela est bel et bon, si l'on maintient l'hypothèse de départ à savoir que Dieu existe. Car si l'hypothèse ne tient pas, il faut cesser de nous poser toutes ses questions sur le mal moral, le mal physique, il n'y a plus que des tremblement de terres, des victimes humaines, animales, des destructions matérielles, naturelles, il n'y à plus qu'un catalogue de faits conséquents, qu'un pur lien de cause à effet. Il n'y a plus que des conventions sociales pour vivre ensemble, le temps que nous vivons ensemble, des règles d'un jeu social, auquel chacun joue comme il l'entend, le temps qu'il le joue. Après? Et bien après, c'est le rien final de la vie humain qui s'achève, par un tremblement de terre, par un coup de couteau, par Auschwitz, ou par une mort à l'hôpital. Dieu n'existe pas, et nous pas beaucoup plus.

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