vendredi 2 décembre 2011

Un scandale au petit bonheur : "Les Borgia"

Vous avez aimé "Les Tudor", ses ors, son faste, ses jouvencelles et jouvenceaux aux galbes avantageux; vous avez aimé sa passion, son suspense, et vous n'êtes pas trop regardant sur le traitement de l'histoire par ce type de série à gogos? Et bien vous aimerez autant, si ce n'est plus," Les Borgia" : du lourd, du luxe, du sang et du stupre. "Les Tudor" à côté c'est Oui-oui au pays des fées roses.

Canal plus semble s'y connaître en choix de séries - apparemment le public en redemande - faisant, vite fait mal fait, une relecture "blairote" de l'histoire. Qu'est-ce donc une lecture "bairote" de l'histoire? C'est donner à voir ce que le "blaireau" veut voir. Et qu'est-ce que le "blaireau" veut voir, quand il a l'arrière-train coincé dans le fauteuil? Il veut de la couleur, des relents de sexe, et de la violence, et quand c'est estampillé "histoire vraie" alors le "blaireau" jubile. Peut importe que "l'histoire vraie" ne le soit pas tout à fait, il veut y croire, et il y croit, avant même d'avoir vu, il y croit dans une espèce d'acte de foi antérieur. Et pourtant, tout chez "Les Borgia" est approximatif, quand ce n'est pas complètement faux, à commencer par la garde-robe cléricale qui est plutôt du XIXe  que du XVe siècle. Mais qu'y connait le bon peuple que l'on endort? Rien ! Un peu d'or, deux ou trois perles, du tissu au mètre, et ça fait l'affaire, ni vu ni connu. Et pour la vérité historique, c'est du même tonneau : à la louche ! Ce qui importe c'est le spectacle, je l'ai dit du lourd : faut que ça suinte, du sang ou du sperme on s'en fout, pourvu que ça gicle !

Alexandre VI Borgia ou plutôt Borja, ce pape valencien, n'était certes pas un modèle de sainteté, loin s'en faut. Il semblait que coulait dans le sang de cette famille, un je ne sais quoi qui tenait de l'enfer. La vie privée de ce pape fut un scandale, scandale dénoncé par le dominicain Savonarole qui le paiera de sa vie.




Le public s'émeut de ce qu'un pape soit aussi libertaire en matière de mœurs et d'actions politiques, le public est scandalisé. Cela voudrait-il dire que les spectateurs seraient du parti de Savonarole qui vilipendait le pape Alexandre? Non, n'allez pas croire cela. Nos spectateurs so shoked s'ils connaissaient le programme de Savonarole, seraient bien plus scandalisés par celui-ci que par les actions d'Alexandre, car après tout, nos spectateurs du XXIe siècle ne sont pas si loin que cela de la morale borjienne, morale pratique, machiavélique, qui s'étale partout. Le scandale à propos du personnage n'est qu'une outrance, un masque, un rien du tout. Je suis même pas loin de considérer qu'en réalité on l'admire : ne le représente-on pas, sur les supports de communication de la série, avec une auréole?. A moins, et on peut y croire, que le scandale suscité par ce pape-là soit réel, et que l'on attend, sincèrement, de quelqu'un qui se prétend vicaire du Christ plus de cohérence évangélique, mais quand ils l'ont, ce qui est le cas des papes actuels - en ce qui regarde les mœurs et la violence, tout du moins- on leur reproche leur intransigeance .... alors quoi? Du lard ou du cochon?

Beaucoup moins sexy que dans la série, et un rien plus enveloppé.


En réalité, on se fout bien d'Alexandre VI, de Savonarole, et des autres : tous dans le même panier. Ce qui compte, c'est de mimer le scandale, de faire comme si, et de le faire si bien que l'on est convaincu de son propre jeu. On est, bien souvent, incapable d'estimer - au sens littéral- une époque, une vie humaine, une destinée. Incapable de faire la part des choses, et de considérer ce que vaut, dans une vie concrètement humaine, ici et maintenant, l'effort éthique. Le spectacle que fait l'histoire - et qui la fait, aujourd'hui- nous tient lieu de critique définitive, et aucune vérité, ténue ou plus évidente, ne saurait prévaloir. Hélas ! Pour finir, j'ajoute que la lignée des Borgia s'est illustrée vertueusement en la personne de l'arrière-petit-fils d'Alexandre VI, puisque François de Borgia, personnage de cour ayant résolu de tout quitter du faste et de la pompe, consacra sa vie aux valeurs de l’Évangile en devenant jésuite. Il est aujourd'hui honoré du titre de "saint".

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