dimanche 23 septembre 2012

Deux papas pour Jésus.

En mai dernier, le Soir, journal belge, publiait un reportage sur l'homosexualité. Un des articles s'intitulait : "Jésus aussi avait deux papas". Le "aussi" renvoyait à la promotion du mariage-gay - concept en soit - déjà acquis en Belgique mais qui reste encore à instituer en France.  Ce titre, à la provocation molle, sous-entendait, bien sûr, que l'unique opposition à ce progrès "sociétal" indéniable, que constitue le dit mariage, vient de l’Église et de la catholique, cela s'entend; puisque, on le sait, c'est La Grande Empêcheuse de tourner en rond - pour rester poli. Il reste à prouver que l'Eglise catholique constitue l'unique force - faible force à vrai dire - qui s'oppose aux jours heureux du matrimoine homosexuel. De même, qu'il n'est pas encore prouver que toute la fameuse "communauté" gay soit pour ce mariage. Cette demande émane, cela est sûr, surtout d'associations et de groupes de pression  estampillés LGBT qui en mal de revendication ont trouvé là leur nouveau cheval de bataille en attendant d'en enfourcher un autre plus blanc, plus pur, plus rapide. Les médias dans leur crasseuse complaisance avec les idées dans le vent, enfoncent le clou : il s'agit d'une question vitale, d'égalité fondamentale, d'équité et de simple justice. "Faire famille", c'est un droit opposable et souverain pour tous ! Bon, la cause est entendue, soit. Gay, gay marions-nous. Et puis adoptons, chien, chat, enfant, peu importe, faisons famille avec ce qui nous tombe sous la main, ce qui compte, après tout, comme nous le serine le christianisme, c'est l'amour, non?


Passons aux considérations hautement théologiques que soulève le titre de l'article. Commençons par le plus évident. Si, de fait, Jésus avait eu deux "papas" , étant donné la teneur de l'article, il faudrait en conclure que Joseph fut l'époux de Dieu le Père. Si fait, de deux choses l'une soit il est un "époux" allégorique, soit un "époux" réel. S'il l'est de manière allégorique autant dire qu'il ne l'est pas vraiment, qu'il s'agit juste d'une manière de parler, et que donc, logiquement la double paternité est, elle-aussi, allégorique. L'affaire s'arrête ici : Jésus n'a eu deux "papas" que de façon rhétorique. Si, au contraire, Joseph est l'époux réel de Dieu le Père, cela nous ouvre des horizons théologiques très larges. Apparemment, du moins, car très vite nous achoppons sur la question de la sexualité. Puisque, si nous parlons d'épousailles réelles, il faut que d'une manière ou d'une autre la sexualité soit ici assumée. Il ne fait aucun doute que Joseph fut un être sexué, avec des attributs mâles. Cela ne suffi pas pour nous qui connaissons les finesses de la théorie du genre. Nous savons nous, ce que valent les attributs mâles ou femelles : de la roupie de sansonnet ! Il ne suffit pas d'avoir un pénis entre les jambes, encore faut-il se le mettre dans la tête. Mais, si  l'on fait confiance au témoignage néo-testamentaire, l'on doit tenir pour certain que Joseph se vivait comme un homme, qu'il n'avait pas de problèmes majeurs d'identité sexuelle. Ainsi donc, Joseph était non seulement du genre masculin mais se vivait comme tel, il savait donc, il se vivait donc, comme n'étant-pas-une-femme.
En bonne théologie, nous savons que Dieu n'a pas de sexe, qu'il est une esprit asexué, que la question même de la sexualité ne se pose pas dans son cas. Dieu ne connaissant pas la génération, ni la succession n'a nul besoin d'un déterminisme sexuel. Il n'est même pas question de besoin dans son cas. Alors qu'en est-il de ses épousailles réelles entre Joseph et Dieu, considérant qu'il n'y a aucune sexualité du côté de Dieu, et que Joseph est un mâle? Il y a un autre cas similaire, en apparence, celui de Jésus et de l’Église. En effet, Saint Paul, parle du Christ et de l’Église comme d'époux réels. Le Christ est sexué et du genre masculin - enfin, on le croit - l’Église est dite du genre féminin, mais asexuée et pour cause, elle n'est pas une personne physique. La sexualité dans ce cas n'est pas ignorée. Elle est signifiée par le concept du "corps" qui intervient comme un vecteur érotique dans cette espèce. L'érotisme est ici à prendre de deux manières, à la lettre d'abord, transmuté par l'agapé chrétienne ensuite. Pouvons-nous appliquer ce schéma au cas de Joseph et de Dieu? Et bien non, tout simplement parce que si l’Église n'est pas une personne physique elle est cependant une chose créée, Dieu ne l'est pas, et comme tel, comme Dieu, il échappe à toute détermination et, parler, dans son cas, d'époux, ne peut être qu'un effet de rhétorique, puisque à strictement parler Dieu ne saurait être l'époux de rien du tout ni de personne, puisque pour être époux il faut être sexué et pour l'être il faut être créé. Donc il ne saurait être question entre Joseph et Dieu de mariage, même mystique, et Marie, n'est pas le ventre prêté, auquel, le titre de l'article, la réduisait, en toute logique, à être.

Pourtant, Jésus parle bien de "son" Père, et dans la prière dominicale il dit même "Abba" autrement dit "papa". Alors? Nous allons y revenir. Lors du recouvrement au Temple, après que Jésus enfant se soit soustrait à la vigilance de ses parents, Marie dit à son fils retrouvé, en parlant de Joseph : "Ton père et moi, te cherchions depuis trois jours..." et l'enfant de lui répondre "Pourquoi me cherchez-vous? Ne savez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père?"
"Ton père et moi." Donc jusqu'à lors, Jésus n'avait qu'un père, et ce père c'était Joseph. Marie le sait, et c'est pourquoi, saine d'esprit, elle dit "Ton père et moi". Mais Jésus dit ensuite "Pourquoi me cherchez-vous? Je dois être aux affaires de mon Père". Pour la première fois, il introduit une différence, ou différance, comme on veut, il crée une paternité différante, syncopée et parle de "mon Père". D'évidence, il signifie là qu'il existe une autre paternité, le concernant. et que cette paternité réclame de lui qu'il soit à "ses affaires". La suite des évangiles nous fait découvrir qui est l'autre terme de cette paternité différante, puisque, après tout, la paternité est une relation entre deux termes. Elle n'existe que s'il y a deux termes en présence. Joseph est le père de Jésus, c'est Marie qui le dit. Mais Jésus, révèle qu'il est fils "ailleurs", qu'il est fils au-delà. Et, la lecture des évangiles le confirme : on ne saurait prendre cette filiation-là, et donc la paternité afférente, comme des relation selon la chair, ou selon la sociologie. Si Jésus est fils par-delà, au-delà, il s'agit d'une méta-filiation et donc aussi d'une méta-paternité pour Dieu. Pour le dire autrement, c'est surtout le langage qui ici est un métalangage  qui tente de livrer quelque chose qui appartient à l’identité incréée de Dieu, puisque pour dire vrai, Dieu n'est ni père, ni fils, si nous nous en tenons à la trivialité du discours. L'on monte vers Dieu par des mots, mais au seuil du mystère de la déité les mots défaillent et nos langues se taisent.

Alors parler de deux "papas" pour Jésus est non seulement une aberration théologique mais aussi une profonde preuve d'incompréhension de ce que peut être Dieu. De plus, en faire un argument théologique de la légitimité du mariage-gay est un contresens étonnant et, pour tout dire, stupide. Il faut bien dire qu'un certain discours clérical est, en grande partie, coupable d'une telle confusion : toutes les homélies sur la "famille" de Dieu, une famille sans femme d'ailleurs, une famille de mecs - je sais bien que Esprit en hébreux est féminin, mais tout de même - préparent la voie à la  mélasse théologico-familiale. Allons plus loin, tout un discours ecclésial et magistériel, discours récent, et un peu vite ficelé, en tout cas dans sa vulgate, sur la famille, alors que l'évangile est plus que critique à ce sujet, prépare la voie aux bons sentiments et aux bonnes intentions. Après il ne faut pas s'étonner que tout le monde veuille faire famille, et même sainte famille.