jeudi 22 novembre 2012

Et la famille? Elle va mal, merci.

La famille, n'en déplaise aux catholiques new-age, et aux autres espèces, n'est pas l'un de mes thèmes favoris. J'ai toujours eu un peu de mal avec ce concept fumeux de  "famille de Dieu",  comme il m'est arrivé d'entendre parler de la Trinité, mais aussi avec la sainte Famille, que l'on voudrait nous faire passer pour la famille modèle, et avec la famille naturelle. J'ai du mal avec la première parce qu'il s'agit d'une élucubration théologique, avec la seconde, si elle est proposer en exemple de la famille chrétienne et avec la troisième quand elle est idolâtrée. J'ai sans doute plus lu les évangiles que les documents pontificaux émanés des derniers papes,  car le thème, en tout cas sa forte occurrence, de la famille est, tout compte fait,  assez récent dans le magistère, sans doute à proportion inverse de la faillite moderne de ce "premier noyau" de la société, de cette "église domestique".

Il n'empêche que l'évangile, documents pontificaux ou non, comporte une sérieuse critique de la famille.  On pourrait ici aligner les péricopes les unes derrières les autres. On pourrait ici aussi évoquer le cas de nombreux saints qui ont méprisé - n'ayons pas peur des mots - pères, mères, enfants - suivant ainsi le modèle évangélique - et cela pour poursuivre un idéal qui, selon eux, et selon nous, n'est plus de ce monde, et ne l'a jamais été. Mais là n'est pas le propos de cette publication.  Un chrétien authentique, un chrétien qui veut vivre selon l'esprit de l'évangile, selon cette sagesse qu'est l'évangile, ne peut purement et simplement chanter les louanges de la famille, au risque d'en chanter d'autres, je cite en pagaille : celle du code napoléonien, celle de la bourgeoisie, et d'une évolution très XIXe de la bourgeoisie, celle de l'ordre naturel, qui tout de même porte un coup dans l'aile depuis qu'Eve s'approcha d'un peu trop prés d'un certain arbres, celle d'une certaine société qui n'est plus, celle d'un âge d'or qui n'a jamais été, celle, encore, de fantasmes de tous ordres.

Que dire maintenant du mariage, antique porte d'entrée de la famille ? Si pour la famille mon chant défaille, pour le mariage je deviens muet. Oh, je ne nie pas la beauté de la chose et son romantisme qui ses derniers temps a repris  du poil de la bête, mais d'une bête morte : qui ne rêverait d'une candeur matrimoniale, des serments rose-poudré, des mains que l'on demande en tremblant, des promesses d'éternité ? Je porte cela bien trop haut pour nier sa valeur, valeur quelque peu vaine, mais valeur tout de même. J'ai gardé un pied dans un temps qui échappe au temps, où l'amour est éternel et où l'éternité est ici et maintenant dans la parole donnée. Hélas, trois fois hélas, force est de constater que le mariage est l'antichambre du fiasco conjugal. Il devient presque normal, presque convenu, presque nécessaire que tout ce déballage de blancs serments froufrouteux se soldent par un divorce. Et qu'est-ce qu'un divorce si ce n'est un anti-mariage,  le constat juridique de la faillite du lien matrimonial, de l'obsolescence de la parole, de la vanité des serments, du fameux bas-les-masques dont Mireille, tout un temps, nous rebattait les oreilles ?
Le mariage aujourd'hui est devenu la fête antérieure de l'impossibilité de conjuguer vraiment. Certains, grands idéalistes, recommenceront, encore et encore, et parfois, il faut le reconnaître parviennent au mariage ultime, soit faute de temps d'en trouver un meilleur, soit que le pied, un peu difficile à chausser, a trouvé sa chaussure, après en avoir essayé dix paires.  Est-ce l'âge qui rend sage? Est-ce la lassitude qui rend moins exigent? Est-ce la peur d'avoir froid en hiver qui fait que l'on ferme les yeux sur un idéal? Ou alors, je ne le nie pas, est-ce tout simplement que la maturité vient tard, de plus en plus tard. Je ne chanterai donc pas le mariage, qui, pour le catholique que je suis est un sacrement, autrement dit un signe, un signe qui réalise ici et maintenant la promesse d'aimer, celui-là ou celle-là, contre vents et marées. Je crois à cela et j'y crois trop, je pense,  c'est pour cela que je suis un défaitiste conjugal, sachant, d'expérience ce que valent les serments et les agitations d'un cœur humain qu'aucune grâce ne vient soutenir, qu'aucune transcendance ne vient fortifier. Un cœur livré à lui-même et rien qu'à lui-même c'est de la barba papa, à la première pluie, elle fond !

Le "mariage-pour-tous" - que j'écris avec des tirets de liaison, car plus qu'un nouveau slogan il s'agit d'une notion, et comme toute notion, elle tient de la philosophie - reconnait la suprématie du mariage hétérosexuel et bourgeois, et même celle de la famille, puisque loin d'en être une critique, il veut, au contraire, en étendre l'empire à des territoires non encore conquis.. Il reçoit le modèle normé - le mariage et la famille tels qu'ils sont - le reconnaît pour aussitôt lui dénier son rôle de modèle et nous faire croire que tout cela est spontané : c'est la loi du mimétisme. Sous couvert d'un droit à l'égalité - droit qui en soi n'est pas à discuter, il va de soi que nous sommes tous égaux en droits, et en droit - mais fallacieux, il ne s'agit pas tant de transformer les normes sociales - ils ne savent pas ce qu'ils font - que de signifier qu'ils n'y a pas de normes sociales que celles que l'on veut bien s'imposer, au nom d'une manie, d'une fantasme, d'une tocade, d'un soupir, d'un orgasme, d'un battement de cil, d'un courant d'air.. Ce droit est fallacieux, parce que si l'égalité est universelle, elle n'est pas un absolu. L'égalité, comme n'importe qu'elle relation, est, précisément un relatif. Ainsi par exemple, je peux m'égosiller à revendiquer le droit de mesurer 1m80, d'avoir des yeux bleus, et d'être une femme - droit que personne ne saurait, en toute justice, me refuser - il se trouve que  - sauf intervention violente - qu'il me manquera toujours 10 centimètres environ, que mes yeux seront toujours noisettes et que je serais, probablement, toujours un homme. Il y a dans la revendication à l'égalité, parfois, un refus des limites qui flirte avec la dictature et la tyrannie. Je disais que je serai toujours inscrit dans mes limites, sauf violence. Or, il se trouve, que ce qui se passe en ce moment au sujet du mariage-pour-tous, qui n'est que le mariage pour les gays - parce que de fait le mariage est déjà pour tous - est une violence. Une violence anthropologique, philosophique, religieuse aussi, qui se cristallise dans le juridique, comme pas mal de violences dans nos sociétés modernes : le juridique, le droit positif, est devenu le nouveau terrain du mimétisme victimaire, le lieu où se livre les batailles du désir, le lieu de la célébration de l'humanité nouvelle.

Toute violence n'est pas mauvaise, loin de là. Celle qui arrive, qui va arriver n'en doutons pas, est-elle souhaitable, utile, requise ? Autrement dit, qu'est-ce qui la provoque ? Quelle en est sa cause? Il y a plusieurs réponses à ces questions. Mais aucune ne saurait évacuer, dans un domaine qui touche à la sexualité - et pas uniquement au droit - l'importance du désir inconscient, l'importance de la méconnaissance mimétique. Que demandent les lobbys gays en demandant le mariage ? Que veulent les autres en défendant la famille? Les premiers demandent-ils uniquement une égalité exorbitante? Les seconds défendent-ils  uniquement les cadres normés de la société? Ce qui est sûr, c'est que les premiers sont tenant d'un naturel égalitariste, les seconds d'un culturel normatif. Ce qui est certain aussi, c'est que la nature n'existe, pour nous hommes et hommesses (sic), que par le truchement d'une culture donnée, et que la culture n'est jamais bien loin de la nature qui nous agite. Aussi, un égalitarisme naturaliste ne vaut guère mieux qu'un culturalisme a-critique.

La revendication égalitariste n'aura pas tous les effets escomptés, et il est fort à parier, qu'elle se poursuivra autrement tant elle puise profondément son ressort dans un malaise global que le droit ne peut résoudre. Après le mariage gay viendra autre chose, et puis encore autre chose, jusqu'à ce que le fantasme ou, qui sait, la réalité, des limites ne s'impose plus. La revendication des cadres "traditionnels" du social peut elle aussi virer au bourgeoisisme frigide, s'il n'est pas pensé. Or dans le "débat" en cours, on pense peu. Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, quelques arguments de raison ont été avancés ici et là, mais la raison est la chose la moins bien partagée au monde, et ils ont été balayés d'un revers de mains : on préfère la passion, les seins nus, les banderoles, les croix et le reste; chacun son folklore. Il n'empêche que demeurent les questions : qu'est-ce qu'une limite? Est-ce forcément un mal? Le mariage, après tout, c'est quoi? La différence sexuelle est-elle ou non normante? Veut-elle encore dire quelque chose?




Il faudrait que la "communauté-gay" - ce néant de la pensée, cet artifice sociologique -  sorte un peu de ses fêtes - pauvres fêtes -, ses rangeots, ses baskets, ses cuirs, ses befores et ses afters, ses tralalas sexuels, ses backrooms et ses vapeurs et  propose autre chose -se reporter à Têtu - que des pectoraux, des fesses et des paquets bien remplis. Non pas que cela soit mauvais en soi, loin de là, mais il faudrait tout de même penser autrement qu'avec deux boules : nous avons aussi des hémisphères cérébraux, et mieux, puisqu'on ne pense pas qu'avec son cerveau, on pense aussi avec un cœur - je ne parle pas du cœur romantique, cette viande infecte - et un esprit, un esprit surtout !
Pour ceux qui tiennent pour des normes, il faudrait tout de même mettre un peu d'eau dans son vin. La famille et le mariage ne sont pas des panacées. Combien de mariages ratés - et pas seulement parce que le traiteur était mauvais ou la robe, au final, vulgaire - de familles décomposées -parce que une famille recomposée, est d'abord une famille décomposée, on a jamais autant aimé la conjugaison !- combien d'enfants aux liens familiaux de plus en plus vastes : je connais des tontons et des tatas - des tontons tatas, aussi - qui ne sont ni le frère, ni la sœur, d'un des parents. On peut pleurer sur cet état de fait, mais c'est un état de fait, et rien ne laisse présager que nous sommes en train de rétablir l'ordre moral, normal, si tant est qu'il ait existé un jour.

 Très franchement, je ne vois pas ce qui empêche, un Etat, une collectivité démocratique, athée, agnostique, non-confessionnelle, anti-confessionnelle, laïque, a-religieuse, irréligieuse, d'élaborer une morale, qui ne soit que le résultat d'un consensus entre les forces en jeux, autrement dit, qui ne soit qu'une pax mimetica. Dans cette paix morale-là,  non-contraignante - si ce n'est dans un ici et maintenant, toujours à rediscuter - non-définitive - puisqu'elle est consensuelle, autrement dit fondée sur une dynamique forcément mouvante, et donc relative - je ne vois pas, ce qui empêche, d'unir deux personnes de même sexe. Au contraire, je pense que l'on ne va pas assez loi et que rien - si ce n'est des attachements viscéraux, névrotiques ou non à des conventions bourgeoises et religieuses ( un autre consensus, mais plus celui-ci) - n'empêche en définitive d'unir les membres d'une même fratrie, d'une même famille, et non seulement dans une union exclusive, mais aussi dans une union plurielle. Plus encore, on peut très bien unir deux entités d'espèces différentes : un homme et un chien par exemple. Il suffit que la dynamique consensuelle ailleurs dans ce sens, avec force arguments anthropologiques, sociologiques, philosophiques, etc. Car, je vous le demande, qui aurait pu prévoir un instant, je ne parle pas du XVIIIe, ni même du XIX, mais disons dans les années 1930, qu'un jour deux hommes, deux femmes, puissent se marier. Qui? Si ce n'est un obscur individu délirant en chambre. Il suffisait d'une étincelle pour que la machine de la morale consensuelle se mit en route et nous y voilà. Il n'y a rien d'étonnant et en soi, c'est un progrès. Le progrès se déroule sans conscience, sans atermoiements, sans émotions, il va se déployant toujours, et le progrès tue, parce que le progrès mime.

L'amour existe. L'amour entre hommes existe. L'amour entre femmes existe. Que certains homosexuels  puissent élever des enfant mieux que certains hétérosexuels, pas de doute. Que cela fonde un droit? Aucunement. Que cela impose une modification substantielle des structures normatives de la société? Pas davantage. Homosexuels ou hétérosexuels, nous sommes tous nés entre les cuisses d'une femme et tous issus de gamètes mâles, d'un manière ou d'une autre. Faut-il évacuer cela aussi? Je suis persuadé qu'on y viendra. L'hétérosexualité est donc au fondement même de notre imaginaire culturelle et psychique, parce qu'elle est, en définitive, la chose la plus spontanément naturelle, et je ne suis pas loin de penser que c'est l'homosexualité qui est du côté de la culture. Il n'y aurait pas d'homosexuels sans différence sexuelle, sans mâles et sans femelles. Davantage, il  n'y aurait pas d'homosexualité sans, dans le même mouvement, option pour le même sexe et refus du sexe différent. L'homosexualité n'est pas seulement une pulsion inversée, elle est un "choix" d'objet qui évacue l'autre objet possible. Elle n'est pas purement et simplement l'inverse de l'hétérosexualité. L'homosexualité pose des question que l'hétérosexualité ne pose pas, et il est bien qu'il en soit ainsi. Il est bon que cela soit ainsi parce que c'est l'humain qui interroge l'humain. C'est l'humain qui demande des comptes à l'humain, c'est l'humain qui critique l'humain, dans un dialogue des différences sans qu'elles passent au rouleau compresseurs des égalités lissantes.

La forme d'homosexualité advenue dans les années 80 - 90 en France, et ailleurs, est, globalement, une homosexualité du politiquement correct, du moins en façade - on ne se défait pas de la clandestinité comme ça. Ce façadisme de bon ton n'est, dans ses phénomènes en tout cas,  qu'une imitation kitsch de l'hétérosexualité et de ses rites alors que celle-ci les tournait en dérision.  L'hétérosexualité qui ne sait plus à quel saint se vouer, rend bien la monnaie de sa pièce à cette forme d'homosexualité policée en en adoptant certains de ses codes. Le modèle imite l'imitateur qui à son tour repart de plus belle dans une imitation en abyme.  Il y a dans la façon de vivre  l'homosexualité, aujourd'hui et ici, quelque chose de la revendication petite-bourgeoise au nom d'une “égalité” hystérique élevée au rang d'idole. Cette transe toute en ivresse à signé la mort de l'homosexuel qui interrogeait la société dans laquelle il vivait. Il lui demandait des comptes sans même à avoir à lui en demander, sa seule présence suffisait à poser question. Aujourd'hui dans le bal de l'égalité et de l'in-différenciation est advenu le gay, et le gay-festif, qui n'a d'autre préoccupation que de se fondre dans le paysage morose des sociétés post-post-modernes, ou tout se confond, ou tout se dé-vaut. Ce gay-là aimerait aimer concilier son errance charnelle et un modèle de stabilité que lui ouvrirait le mariage. Il veut déconnecte une bonne fois pour toutes l'acte sexuel de la filiation, et il est, c'est une évidence, bien placé pour cela.








1 commentaire:

  1. Tu parles d'homme et hommesse ;) Sais-tu qu'en aucune langue - enfin, c'est ce que nous a dit une prof d'hébreu très qualifiée - bon, il y a des centaines de langues - donc en aucune langue à peu près étudiée, homme et femme n'ont la même racine. Elle nous a dit ça pcq ish (h) et isha (f) semblaient pareils; ms en fait la racine est différente. Rigolo, non ?

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