La
dispute entre "nature" et "culture", qu'exploite à frais nouveaux la
théorie du genre, se cristallise autour des présupposés
philosophiques idéalistes.
Il
est difficile d'admettre, et le faire serait réducteur, qu'une théorie
toute entière repose uniquement sur une pathologie individuelle. Si la
pathologie individuelle, ou plus simplement une problématique
strictement personnelle, peut s'épanouir en théorie universelle, c'est en
raison de son ancrage à des prémisses philosophiques. Si donc une
pathologie individuelle prend une part à la construction d'une théorie,
c'est que le système de représentations - puisque la théorie du genre
n'est que cela : une représentation - induit par la pathologie se
coulent dans les cadres conceptuels philosophiques de représentations
justement (Schopenhauer, entre autres, fait son fond de commerce avec la "représentation" ou la "présentation"). En l'occurrence, la théorie représentative du genre repose
sur une vision idéaliste ; elle nie le réel le plus directement
observable pour fonder son "orthopraxie" sur des vues de l'esprit souvent
postulées a priori.
L'idéalisme
est largement diffusé dans l'opinion qui, la plus part du temps, n'en a
ni vent ni cure ; pour le dire trivialement la théorie du genre fait son
beurre grâce aux idéalismes dont la société occidentale est farcie.
L'idéalisme
est un relativisme en béton armé. Ce qu'il nie, il le fait : il nie
l'objectivité, l'essence, qu'une quelconque vérité puisse résider dans
l'objet perçu, dans la chose en soi, mais il construit une nouvelle
objectivité, pour ainsi dire, une vérité vraie non objectale et résidant
toute entière sur le sujet percevant. L'idéalisme possède, par sa haine
déclarée, ou secrète, du réel, les germes du totalitarisme :
s'affranchissant du réel, de l'observation de ce qui apparaît de fait,
déniant au réel une quelconque fonction normative, il crée des
catégories forcées, relatives et cependant féroces, et fait tout entrer dans
celles-ci, quittent à en créer d'autres afin d'élaborer une nouvelle
représentation, un nouveau paradigme, si l'esprit lui en dit. Le malheur est qu'il y a autant de
représentations pouvant avoir force de loi que de sujets, et que, sans base
commune objectales, il est difficile de se rendre compte de la bonté ou de la
justesse des représentations proposées. Le réel congédié cède la place à l' idéal arbitraire et à la force subjective.
Critiquant
la nature d'une part, et les cadres sociaux, réputés fondés sur elle,
d'autre part, la théorie du genre ramène tout, idéalement, à la
spontanéité du sujet. Cette spontanéité, déjà signalée, apparaît dans un
système culturel dont elle subira soit la contrainte, soit l'encouragement. Aussi la théorie du genre propose un nouveau système de
représentations, de nouveaux cadres culturels supposés non contraignants.
Assurément, cette nouvelle représentation devrait elle aussi être
frappée par la même critique, mais, pour les tenants du genre, elle y
échappe en cela même qu'elle n'est pas fondée en nature. La
représentation du monde fondée sur le genre n'est pas critiquable parce
que précisément elle n'est pas fondée sur l'observation de la nature, observation de la nature qui est seule soumise à critique : une
nouvelle fois nous sommes face à une pétition de principe, puisque la
théorie prétend que la représentation non fondée sur le réel n'est pas
critiquable et que seul le réel l'est. Les études sur le genre sont
imprégnée du même a priori : aucune représentation idéale n'est
critiquable dés lors qu'elle est issue d'une critique du réel. Aussi il
devient possible de choisir, dans une espèce de saut métaphysique, un
sexe, un genre et je ne sais quoi, une espèce pourquoi pas, une couleur
de peau ou en tout cas les comportements sociaux liés à la couleur de
peau, rien ni personne ne saurait m'opposer une loi, une norme, pas même
la nature, elle qui m’inflige le stigmate d'un sexe, d'une
couleur du derme, par exemple. Tout est dans le sujet et hors de lui
rien n'existe. Lui seul sait, sent, veut. La société n'est qu'une somme
de sujets voulant et désirant, absolus, dans l'espace et le temps,
interconnectés par les liens d' intérêts. Je ne suis le semblable de
personne, je suis seul à avoir raison contre tous, contre tous, puisque
tout le monde devient potentiellement un empêcheur de tourner en rond,
l'élément qui va troubler ma spontanéité. La communion - notion
théologique - ou même la communauté est un leurre, le "social" que fonde
l'idéalisme n'est qu'une notion catégorielle, un groupement d'intérêts -
sans raisons supérieures - l'unique chose à laquelle tout le monde
communie dans cet orgueil de solitaires est l'hybris.
La
confusion est totale. Ici on nie la nature et on la trouve abjecte, là
on l'exalte allant même à réduire l'homme à n'être qu'un animal parmi
d'autre, une espèce parmi les espèces. La vérité est que l'homme est
ancré dans la nature, qu'il est de sa nature, justement, de sa
nature spirituelle, de transcender la nature. De la transcender pas
simplement en la niant, mais en l'assumant, en l'élevant. L'homme est
cet animal qui dans la nature donne à la nature une raison
supplémentaire. Il est l'animal qui dans la nature, explique la nature,
l'interprète au sens où un musicien interprète un morceau. Il est cet
animal social et interdividuel (sic)
par
qui la nature passe et repasse sans jamais s'y enfermer. Il n'est pas
dans la nature de l'homme d'en rester à la nature brute, comme il n'est
pas dans sa nature de la quitter entièrement : le ferait-il, elle le
rattraperait tôt ou tard.
La
théorie du genre existe bel et bien : polymorphe et rhizomateuse. Elle
conditionne des attitudes "réformatrices", des programmes et des
dispositifs qui dépassent de loin le pur cadre de sages et tranquilles
études. Celles-ci ne sont que le paravent et le vivier de la théorie,
son magasin, et son laissez-passer. La théorie entretient, contrairement à
ce qu'elle prétend, une confusion et, à rebours, là aussi de ce qu'elle
dit vouloir faire ( à savoir réduire les inégalités entre les sexes,
inégalités étendues aux pratiques sexuelles ) fini par effacer non
seulement les différences structurantes mais aussi le différentiel
lui-même. Tout se vaut donc aux yeux de cette théorie, tout, on l'aura
compris, sauf ce qui passe pour une norme fondée en nature. Aussi, il
n'est pas étonnant de voir de ses adeptes défendre toutes les formes de
sexuation, parfois avec une complexité toute byzantine, toutes les
formes de sexualité : fétichisme, sado-masochisme, zoophilie,
pédophilie, tout pouvant être le terme d'un choix justifié a posteriori
par des arguments spécieux reposants sur une vision du réel très
idéaliste.
L'effacement des différences structurantes est une occasion de violence et d'une violence plus grande que celle que ces différences sont supposées produire. L'effacement de ses différences conduisent, parfois au nom de l'égalité, à un état de confusion généralisé, à la production de ce que Girard appelle les "doubles monstrueux", dans une ressemblance dominée par la rivalité mimétique. L’indifférenciation et l'état de confusion conséquent, sont le creuset de violences futures dont l'une des fonctions sera précisément le rétablissement de structures différenciée. La violence est souvent différante.
L'effacement des différences structurantes est une occasion de violence et d'une violence plus grande que celle que ces différences sont supposées produire. L'effacement de ses différences conduisent, parfois au nom de l'égalité, à un état de confusion généralisé, à la production de ce que Girard appelle les "doubles monstrueux", dans une ressemblance dominée par la rivalité mimétique. L’indifférenciation et l'état de confusion conséquent, sont le creuset de violences futures dont l'une des fonctions sera précisément le rétablissement de structures différenciée. La violence est souvent différante.
L'idéal
démocratique universel appliqué non seulement au politique mais aussi à
d'autres secteurs de la vie publique, de sorte que l'on puisse
désormais dire que tout est politique, cet idéal développé tout au long
du XXe siècle a engendré une véritable manie égalitariste. Celle-ci tend
par la force des choses, par les nivellements des désirs,
l'universalisme des modèles et, simultanément, leur restriction
numérique, vers l'indifférenciation. La démocratie, paradoxalement, à
force, est devenue la tyrannie de la confusion, le laboratoire de
l'indistinct, le boudoir du chaos. Aussi, il n'est pas étonnant que l'on
ai vu apparaître des attitudes et des théories qui soit dans leur
genèse soit dans leurs développements tendent vers l'effacement des
frontières, des limites, de la différence, du différencié et promeuvent
une forme plus ou moins radicale d'indistinction au nom de l'égalité.
La théorie du genre est de celles-là. Au bout de sa chaîne logique, se
trouve la résorption de la différence naturelle des sexes estimant que
celle-ci est insignifiante. La théorie du genre promeut l'
interchangeabilité des rôles sexuels mais aussi des sexes biologiques
eux-même qui ne sont plus rien qu'une trace laissée-là par on ne sait
quel coquin de sort.
La
récente adoption du mariage euphémiquement dit "pour tous" - appellation
bonassière symptomatique - contribue à l'entretien d'une confusion
puisque désormais l'équation logique est celle-ci : si homme + femme,
égal homme + homme ou femme+femme, donc homme = femme et l'un vaut pour
l'autre. C'est cette simple et crypto-logique qui est appliquée ensuite à
la procréation et à la filiation. Gommant la nature, que l'on ne saurait
voir, un enfant est désormais réputé conçu et né de deux hommes ou de
deux femmes. L'enfant est donc "réellement" désormais le fils ou la
fille d'une dyade dont la sexuation ne représente plus rien, est sans
importance et insignifiante dans son lien à la procréation biologique. On ne voit pas dans ce
cas, ce qui empêcherait un jour qu'un petit d'homme puisse être réputé
né d'une louve et d'un homme, par exemple. Pour ce qui concerne le
mariage-pour-tous, l'argument égalitariste démocratique n'a cessé
d'accompagner la confusion du débat. Or cet argument occultait
volontairement que l'égalité, pour qu'il s'agisse réellement d'égalité, doit tenir compte des différences premières et fondamentales. On ne peut
revendiquer l'égalité que pour des situations comparables, or dans le
cas du mariage pour tous, les situations ne sont pas exactement
comparables.
Les
raisonnements issus de la théorie du genre, ou connectés à elle,
accumulent volontairement des occultations de la même espèce. Une mythologie violente prend ainsi la place de ce qui constituait
naguère une anthropologie "naturelle".
Si
la culture est toujours le résultat d'une violence première, elle l'est
pour mettre en forme, canaliser la violence, et elle le fait en mettant
en place des cadres différenciés ; la violence est alors "différante". Détruire ces cadres, c'est partir à
rebours, revenir au chaos qui prélude à la contagion violente. La théorie du genre participe à cet
esprit du saumon culturel, remonte le courant des normes, fait fi des
différences et réinstaure l'indistinct. Avec la théorie du genre, c'est
la fête perpétuelle, le carnaval, cet événement où les codes, les
genres, les sexes, les rôles, les hiérarchies, l'ordre, les convenances,
sont inversés, où disparaissent toutes formes de différences, ou de distances, pour
laisser la place au jeu des masques, à l'indifférenciation, aux orgies,
aux bacchanales. Le carnaval se termine par un meurtre : l'holocauste de
Monsieur Carnaval, les bacchanales par un lynchage rituel. La théorie
du genre, destructrice de l'intériorité, porte en elle, le lynchage
futur et la victime émissaire.
Si
le mécanisme émissaire était, à l'origine, générateur de symbolicité,
il faut bien avoir à l'esprit qu'avec la théorie du genre et ses
prolongements rhizomiques, nous sommes dans une inversion du mécanisme
émissaire. Autrement dit, nous assistons pour le moment à la destruction
du symbolique, avant de passer, inévitablement par une crise violente
qui, au frais d'une nouvelle victime, ou de nouvelles victimes - elles sont prochaines, et les enfants sont en première ligne - créera à
nouveau du symbolique. En attendant, l'humain souffre dans ses
existences individuelles et personnelles, dans ses plus faibles
représentants. Il souffre inutilement.
Bonjour, je m'intéresse à cette "theorie" mais ne trouve pas vraiment de sources d'information fiables qui m'aideraient à la cerner mieux.
RépondreSupprimerVous avez l'air d'en être bien informé, pourriez-vous me communiquer des sources que je pourrais consulter ?
Vous remerciant par avance
Je vous demande pardon de répondre aussi tard. Je n'ai vu votre message qu'aujourd'hui.
RépondreSupprimerLes références ne manquent pas.
Butler, J., Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l'identité. Paris : La Découverte, 2006. Il s'agit là de l'ouvrage princeps, celui qui a lancé le pavé dans la marre. Depuis Butler est revenue sur pas mal de ses présupposés (http://www.lavie.fr/hebdo/2013/3544/la-folle-polemique-sur-le-genre-30-07-2013-42965_524.php) Bien avant qu'elle ne se corrige, et malgré toutes les origines quelque peu troubles de sa pensée, elle reçut le titre de docteur honoris causa de l'une ou l'autre université.
Éric Fassin avec Véronique Margron, Homme, femme, quelle différence ? La théorie du genre en débat, coll. controverses éditions Salvator, septembre 2011
http://www.zenit.org/fr/articles/la-theorie-du-genre-et-l-origine-de-l-homosexualite-par-mgr-anatrella
http://www.eglise.catholique.fr/getFile.php?ID=18366
et vous avez ce blog qui vous donnera d'autres pistes.
http://theoriedugenre.wordpress.com/