lundi 18 novembre 2013

Le Roi est nu ou le crime de lèse-majesté.

Voilà bientôt un mois que le pays entier semble s'abîmer dans une nouvelle "affaire". Il n'aura pas fallu longtemps pour que les indignés léonardiens cèdent la place aux indignés taubiraniens : Taubira ayant poussé Léonarda vers la porte de sortie médiatique plus vite que Valls ne l'avait expulsée par delà les frontières nationales.
La France, pays des lumières et du cinéma, a pris le pli des polémiques qui sont autant de symptômes d'une maladie désormais commentée sur tout le continent. Il semblerait, d'après la rumeur, que la République soit menacée, que son socle ou ses socles sont lézardés, que le ciment duquel elle est faite soit atteint d'un mal incurable, qu'il faille, d'urgence, procéder à des travaux de consolidation, sans quoi, nous verrons d'ici peu le bel édifice nous tomber sur le coin de la figure. En définitive, le Gaulois d'aujourd'hui - mais qu'est-ce qu'un Gaulois ?- a gardé la peur ancestrale et panique de la chute de météores, l'objet seul a changé : le ciel ne lui tombera plus sur la terre, mais c'est la République - son nouveau ciel - qui risque de lui tomber dessus et de l'ensevelir.
Cette fois-ci, la République vacillante risque l'effondrement à cause de la conjonction d'un animal et d'un fruit brandit, haineusement, par une horde de fascistes, racistes, à la solde d’arriérés moisis, à la tête farcie d'idées nauséabondes parmi lesquelles celle d'une France éternelle n'est pas la moindre. Une gamine, d'une dizaine d'années, était leur truchement, le démon de trop, celle par qui le mal est venu.

L'insulte dirigée contre un ministre d’État, insulta le gouvernement entier, l’État tout entier, le pays dans sa totalité et chacun des individus qui le compose. Ce fut l'insulte tsunami celle qui commence au loin petitement et qui enfle, enfle, jusqu'à tout balayer sur son passage. L'insultée, tout d'abord, impassible, sembla n'avoir pas perçu la pique. Quelques jours plus tard, se ravisant, sans doute mortifiée - elle est Garde des Sceaux tout de même ! et bienfaitrice de l'humanité ! - que personne, spontanément, n'ait relevé l'injure, actionna la pompe à pleurnicheries culpabilisantes. Les "hautes et belles" voix, à l'instar de la sienne, s'élevèrent depuis dans un crescendo amphigourique et ridicule. Le récent prix Renaudot *, tout vernis de sa nouvelle légitimité donna le la à cette chorale nationale des gens biens. Léonarda était loin, les putes et leurs clients aussi, voici que venait, encore une fois, l'heure de lever le poing, le stylo, ou je ne sais quoi d'autre, pour défendre la France - mais quelle France ? - sur laquelle s'abattait la haine raciste. Déjà, le ciel se couvrait de nuages sombres et les lendemains roses pour tous semblaient, désormais, fortement compromis, comme déjà, ils avaient parus s'éloigner lors de l'affaire Méric. 

C'est une petite fille qui serait à l'origine de tout ce saint tremblement. Une gamine insolente, peut-être, met donc toute la République en demeure de se mobiliser pour que le racisme ne passe pas. Une enfant, autrement dit, quelqu'un qui n'a pas la parole, qui ne parle pas. Pourtant, l'époque les fait beaucoup parler, cette époque dite de l'enfant-roi.
Cette association d'idées, nous conduit à relire l'histoire à la lumière du conte d’Andersen, Les Habits neufs de l'Empereur. L'Empereur en question est vaniteux. Un jour, des tailleurs escrocs proposent de lui fabriquer un nouvel habit qu'aucun autre monarque ne possèderait, un habit magnifique et unique. L'Empereur accepte avec gourmandise. Un jour, il vient voir l'avancement des travaux, mais il a beau ouvrir les yeux il ne voit rien, et ce même si les tailleurs semblent couper, coudre, assembler des pièces de tissu. Les escrocs assurent le monarque que tout cela est normal : l'étoffe, les fils, sont si fins, qu'ils sont tout simplement invisibles. Le jour arrive enfin où l'Empereur va pouvoir montrer son habit neuf à ses sujets lors d'un défilé. On le vêt de son habit magnifiquement imaginaire, et le voilà, nu comme un vers, qui se pavane dans les rues de sa capitale. L'Empereur n'ayant pas voulu passer pour un imbécile entra spontanément dans le jeu des tailleurs manipulateurs. Toute le monde acclame le souverain, tout le monde s'extasie devant son nouveau vêtement, jusqu'à ce qu'un enfant - une gamine de dix ans ?- prenne la parole et déclare : l'Empereur est nu ! "Et leurs yeux s'ouvrirent et ils virent" qu'il était nu.




Et bien, mutadis mutandis, nous sommes un peu dans le même cas de figure. L'Empereur Hollande est le souverain nu entré spontanément dans le jeu des tailleurs de vêtements neufs : le changement, c'est maintenant. Le tailleur en chef en même temps que le vêtement, c'est Taubira. Taubira ovationnée, Taubira louée, Taubira mise sur le piédestal de l'humanité rédempte, Taubira inondée de roses, Taubira l'étoile du matin de ce gouvernement, Taubira le cœur-sur-la-main et la main-sur-le-cœur. Mais un enfant a ôté violemment le voile : le roi est apparu, l'espace d'un instant, tout nu. Aussi, cette enfant s'est rendue coupable non pas d'un crime raciste, mais d'un crime de lèse-majesté. Et l’humiliation, le crime est d'autant plus grand, que la bouche qui en est à l'origine est celle d'un enfant justement : la vérité sort de la bouche des enfants, paraît-il. La vérité n'est pas que le ministre de la Justice est ou non un singe - "guenon", je ne sais pourquoi, est pire que "singe" - mais que Taubira est inattaquable non pas tant parce qu'elle serait "noire", mais parce qu'elle est la seule chose qui couvre la nudité abyssale de ce gouvernement. Elle est à l'origine de l'unique chose dont il peut se prévaloir à savoir la loi sur le mariage-pour-tous. Le sortie de la petite fille sonnait la fin de la fête, mettait en danger l'image de Madone au cœur d'or du Garde des Sceaux.

Qu'on ne s'y trompe pas, comme le font - mais est-ce sincère ?- les "intellectuels" professionnels, les pipeules et les autres membres du chœur angélique, dans cette affaire, il ne s'agit pas de racisme, mais bien d'autre chose. On pouvait rire de tout, avant, et le même chœur y allait de ses sempiternelles remontrances, dans le sens du vent toujours, maintenant, il n'est plus permis de rire. Les temps sont sérieux, graves, lourds de menaces, malgré le travail harassant des ouvrières du bonheur humain;  bonheur que l'on vous imposera que vous le vouliez ou non.   On pouvait rire de tout, et à ce titre, aucun homme politique, aucune femme de la même élite, n'échappaient à la satire, à la caricature et aux mots d'esprit plus ou moins fins. Le peuple pouvait ainsi se libérer d'une tension et disons-le des conséquences néfastes de l'envie ou de la jalousie. C'était la règle ! Les choses viennent de changer : Taubira qui n'est ni sortie de la cuisse de Jupiter, ni une émanation de la divinité, et cela bien qu'elle soit noire (ce qui, entre nous, n'est qu'un détail), est devenue intouchable au terme d'une construction fantasque d'un personnage politique. D'autres avant elle avaient essuyé ce genre de stupidités ( les oreilles, la stature, le sexe de Sarkozy, Benoit XVI et ses mœurs prétendues, etc.), mais désormais, prenant prétexte de cette particularité physique, elle réclame un traitement spéciale : Voici la Femme, voici celle qui en elle récapitule tout le genre humain. Avec Taubira nous sommes tous noirs, nous sommes tous des singes, nous sommes tous gays, nous sommes tous des femmes, nous sommes tous des Taubira. Comment ne pas voir que nous sommes en face d'un délire et d'une montée aux extrêmes, qui ne sont pas ceux du racisme, mais ceux du culte de la personne et de la mise à mal de la liberté.

Bien sûr, tout un chacun a droit au respect, tout le monde a droit à son intégrité physique et morale, Taubira comme les autres, ni plus, ni moins. Alors avant de nous rejouer la pièce, quelque peu usée, du racisme, de la République mise en danger, des hordes de fascistes aux portes, des loups dans la bergerie, Taubira et son chœur auraient été mieux inspirés de lire deux, trois poésies, de se donner rendez-vous à Saint-Germain-des-Près en se gargarisant au champagne et en se congratulant d'être la France de demain, celle qui ouvre des voies, la nouvelle Propaganda Fide de l'Empire du Bien, mais qu'ils nous foutent la paix avec leur morale à deux euros. Sinon, bientôt, on rétablira le crime de blasphème, blasphème contre la République, son gouvernement et tout ce qui émanera de lui.

* à ce propos  : http://acontrecourant2.canalblog.com/archives/2013/11/17/28448391.html?fb_action_ids=678751222149741%2C678336622191201&fb_action_types=og.likes&fb_source=other_multiline&action_object_map={%22678751222149741%22%3A1376972772549655%2C%22678336622191201%22%3A245857735571276}&action_type_map={%22678751222149741%22%3A%22og.likes%22%2C%22678336622191201%22%3A%22og.likes%22}&action_ref_map=[]

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