mardi 11 février 2014

Le mobile d'une rumeur. La dynamique fondamentale de l'hypothèse du genre et de ses implications diverses.

Ce texte comportera trois parties et un préambule. Dans celui-ci, il sera précisé certaines notions de vocabulaire. Dans la première partie, on décrira, de la manière la plus simple possible, ce qu'est le modèle du genre. Dans une deuxième partie, on lira un texte issu d'un auteur pro-genre et même si l'on ne sait rien de l'auteur, le texte illustre ce que peut être le discours du genre pour le commun des gens. Enfin, dans une troisième partie, mise en ligne plus tard, on fera une lecture de la différence sexuelle inspirée des deux premiers chapitres de la Genèse.


Préambule

Puisque, étant catholique, d'aucuns pourraient suspecter que l'emploi du vocable "théorie", déterminé par cet autre substantif "genre" (on utilisera indifféremment dans la suite "genre" ou son équivalent anglais "gender". Il est à noter que "genre" et "gender", ne sont cependant pas sémantiquement d'exacts équivalents, et qu'ils flairent un peu les faux-amis. Si l'utilisation qui en sera faite, passe par-dessus ce constat, c'est qu'elle s'en tient uniquement à ces termes comme notions descriptives, et leur donne exactement la même extension) est de l'ordre de l'idéologie ou, pire, du mensonge pur et simple, les lignes qui suivront ne comporteront jamais le mot "théorie". En conséquence, cette "théorie" n'existera pas dans cet article.
Tout le monde s'accorde, en revanche, à dire qu'il existe des "études" et /ou des "recherches" sur le genre. A ce pauvre vocabulaire, sans cesse ressassé,  pour décrire une chose censée avoir autant d'importance pour la construction de toute société future, j'ajouterai les notions de paradigme, modèle, et mobile. Toutes ces notions ne sont, même accolées de "du genre", frappées d'aucun interdits, d'une part,  et elles ne sont pas attribuées en propre, pour le moment, aux catholiques, d'autre part.

Penser, c'est parler et parler, on l'espère, c'est penser. Pour parler, il faut des mots. Pour penser, il faut des notions. Les mots doivent être compris par tous et soumis à des règles d'usage comprises et acceptées par tous, sinon chacun parle dans son coin la langue qu'il veut mais ne communique avec personne. Il en va de même quand on essaie de penser un peu : il y a des notions à définir et des règles de logiques à mettre en œuvre. Le débat - y en a-t-il seulement un ?- sur le genre agite pas mal de notions : sexe, genre, identité, différence sexuelle, nature, biologique, culture, stéréotypes, voilà pour le fond, et pour la forme : "théorie", paradigme, modèle, mobile. 

Il serait fastidieux de procéder ici à une redéfinition des différentes notions. La philosophie l'a déjà fait de nombreuses fois. Aussi, il serait naïf de tenir la nature pour je ne sais quel ensemble vert, parsemé de fleurs, traversé par une rivière, dans lequel les animaux paîtraient tranquilles et où l'homme danserait nu la danse de l'harmonie retrouvée. La "nature", ce n'est pas cela. De même, il serait naïf de penser que la culture serait je ne sais quel catalogue, plus ou moins beau et intellectuel, des œuvres de l'esprit, ou une espèce de bibliothèque sur les rayonnages de laquelle s’étalerait la masse des savoirs et des artefacts produits par l'homme quand il ne danse plus nu dans son champ naturel.
Semblablement, il serait naïf, et surtout dans la question qui nous occupe, de prendre "sexe" et "genre" pour ce qu'ils peuvent être en français, des synonymes. Dans cette question, "genre" n'est pas un synonyme de "sexe". Sexe est toujours, le génital, le biologique, on dira ainsi le "sexe biologique", ce qui est un peu pléonastique. Le "genre" sera, lui, la manière dont je vis, de moi à moi et socialement, non seulement ce sexe biologique - il se peut qu'il entre en correspondance avec cette  vie "psychique" et sociale - mais aussi, s'il ne correspond pas, ce que je vis en opposition. On peut dire, plus simplement, que le "gender" est, grosso modo, le comment je suis vécu, par les autres et par "moi", en tant qu'être sexué et sexuel, c'est-à-dire en tant que je défini mon sexe, indépendamment de mes organes génitaux (vécu sexué) et de mes pratiques sexuelles (vécu sexuel).  Le "gender", donc, sans être le sexe biologique peut d'aventure le "recouvrir", peut rencontrer la matérialité des organes génitaux, tels qu'ils se présentent ou ne le fera pas. Si le "genre" et le "sexe" ne sont plus des synonymes,  s'ils ne se supposent pas mutuellement, il est fort à parier, voire à craindre, qu'ils ne deviennent des antonymes et qu'ils s'opposent, finalement.

Un mot sur "paradigme", "modèle" et "mobile" pour que l'on sache, tout de même, de quoi on parle. Ayant exclu "théorie", qui apparaît comme trop idéologique à certains esprits craintifs, soudain,  il faut proposer d'autres vocables plus "ouverts". "Paradigme" peut être l'un deux. C'est LE mot qu'il faut absolument employé si l'on veut paraître intelligent et montrer que l'on n'appartient à aucune secte, mais que l'on est un peu sociologue. Un paradigme, c'est la "conception théorique dominante ayant cours à une certaine époque dans une communauté scientifique donnée, qui fonde les types d'explications envisageables, et les types de faits à découvrir dans une science donnée.", voilà pour la définition du CNRTL. Le discours du gender est bien un paradigme, c'est indiscutable.
La notion de modèle recouvre à peu de chose près celle de paradigme, avec une nuance hypothétique en plus : "construction abstraite et hypothétique capable de rendre compte d'un ensemble donné de faits et d'en prévoir de nouveaux." Le discours sur le genre prétend à cela. Il est donc un modèle d'interprétation de faits, de faits sociologiques, anthropologiques, historiques, religieux, artistiques. Dans la mesure où ce modèle est critique, il devient, à son tour, paradigmatique et sa dont la fonction sera de dénoncer ce qui, dans d'autres modèles culturels, sont  des schèmes de référence ou de conduite, basés sur la culture admise, établie dans une société et  acquise, quasi spontanément, par chacun des membres qui y vivent.
Pour ce qui est du "mobile", cette notion intéressante est utilisée par un théologien luthérien, Anders Nygren, qui la met en place dans son remarquable ouvrage "Erôs et Agapè". "On ne peut pas définir le sens véritable d'une idée, d'une pensée ou d'un sentiment, si on les extrait de leur cadre naturel. En d'autres termes, il faut arriver à saisir, ce qui constitue la conception fondamentale, le ressort qui lui donne son caractère et qui fait que ( dans un système) tout reçoit une tonalité et une signification particulière. Nous appelons "étude des mobiles" l'étude qui aboutit à cette analyse de structure." Le "mobile fondamental" est l'élément qui assure la cohésion de l'ensemble d'un paradigme, de l'ensemble d'un modèle paradigmatique. Ce mobile n'est pas forcément une idée clairement formulée, il peut être un sentiment : "le mobile fondamental est ce qui fait d'une production un tout bien défini, détermine sa structure et lui donne son caractère original." Ainsi donc, le "mobile fondamental", est ce qui dans une conception théorique, permet sa cohésion, son maintien dans l'ordre du discours, c'est l'élément, ou l'ensemble d'éléments, qui se présentent comme la solution aux problèmes catégoriques généraux présentés par la conception dans son principe. Le "mobile fondamental" devient, pour ainsi dire, la source dynamique de la cohérence interne d'un discours donné que celui-ci soit ou non vrai absolument parlant. (On peut, en effet, avoir un discours avec une cohérence interne mais faux absolument puisque entièrement construit sur des prémisses fausses : pétitions de principes, sophismes en tout genre.)
"Paradigme", "modèle" et "mobile" sont donc des termes voisins mais tout de même assez distincts pour que l'on puisse les garder et en user sans qu'ils nous attirent les foudres de qui que ce soit. 

Enfin, et afin d'éviter d'y revenir continuellement, limite uniquement,, comme semble le faire, de bonne ou de mauvaise foi, Najat Vallaud-Belkacem ou Michèlle Cotta, dans son récent "coup de gueule" dans le Point, la question du "genre" à la rengaine de l'éternelle égalité homme-femme ou femme-homme, comme il semble qu'il faille désormais le dire, est soit de l'ignorance coupable, soit de l'idéologie, tout aussi coupable. La question du genre déborde de partout la gentille égalité combative entre les sexes. Elle la déborde en redéfinissant cette "égalité", celle-ci devenant, tant que faire ce peut, une stricte équivalence, passant par-dessus le biologique, sautant par-dessus le naturel. Elle la déborde en supprimant la cause supposée de l'inégalité à savoir la différence sexuelle elle-même, comme il semble que cela soit le cas à la lecture de certains textes. La suppression est non seulement symbolique mais encore aussi réelle. Garder la question du genre uniquement à cet échelon de l'égalité sexuelle sociale, de la parité sociale des sexes, est un mensonge et ne rend pas compte de toute l'ampleur du paradigme du genre. Si, de fait, la problématique du genre, touche aussi à cette question, elle n'y reste pas, elle l'emporte bien au-delà. La problématique du genre n'est pas un autre visage du féminisme, mais un autre visage de l'humanisme ; c'est un torrent anthropologique qui emporte tout sur son passage. La problématique du genre conduit à redéfinir l'humain, autrement dit l'espèce, et son rapport au monde. Si l'on devient hégélien, soudain, on dira que le paradigme du genre touche à la fois à la Nature, à l'Homme et à l'Esprit absolu. Autrement dit le paradigme du genre, et notamment dans sa version, queer est une logique qui se déploie dans sa relation à la Nature (écologisme, historicisme,etc.) dans sa relation à l'Homme ( psychologisme) et à l'Esprit absolu (spiritualisme, philosophisme, etc.)

Ce préambule peut s'achever par la déclaration d'intention que voici. Il n'est nullement question ici de faire profession de foi catholique, parce que les choses dont on parle, ne relèvent pas, comme telles, de la foi catholique, pas plus que de la religion. Il s'agira de procéder raisonnablement et le plus objectivement, c'est-à-dire, par une description de l'objet, en tant qu'il est objet, en évitant les projections subjectives. On ne fera donc appel à aucune métaphysique chrétienne, à aucune philosophie "informée" par la foi, excepté dans une troisième partie où l'on déclinera le propos selon cette thématique. Sinon, pour ce qui précédera, il n'est aucunement besoin d'invoquer ici Dieu, le diable ou je ne sais qui : mêler la religion à ce débat d'ordre philosophique est dommageable pour le débat lui-même et pour la religion. Dieu n'est pas un bouche-trou ni un talisman contre les peurs que le "gender" peut occasionner. 

I ère partie : Description d'un mobile. 

Quelle est la raison fondatrice, le mobile donc, qui coordonne le modèle du gender ? Il peut être formulé comme suit : le sexe naturel, synonyme pour le gender, de biologique, n'est pas un facteur déterminant de l'identité sexuée, il n'en est, dans certains cas, qu'une composante parmi d'autres, une composante égale donc que l'on ne saurait majorer sans créer un déterminisme répercuté, ensuite, dans la culture. Je disais que le sexe biologique ou, pour le dire autrement, la génitalité matérielle ou encore, pour que cela soit parfaitement clair, ce que l'on constate, de fait, du sexe génital d'un individu ( il faut user de périphrase pléonastiques tant l'on est contrait à des contorsions intellectuelles ) ne détermine en rien ce que l'individu dira ou ce que l'on dira de sa situation sexuée ou sexuelle. Tout donc, dans le paradigme du gender, est construction culturelle. Certains construisent culturellement à partir du constat naturel du sexe, et d'autres - les adeptes d'une application pratiques des études sur le genre - construisent sans ce constat naturel du sexe.  La chose constatée, le sexe est donc, dans le modèle gender, radicalement coupée de la chose vécue (le genre ou gender). Mon genre n'a que peu de rapport avec mon sexe : voilà le mobile et la critique fondamentale qu'adresse le gender est la suivante : on ne peut pas faire du sexe le fondement du genre. Autrement dit, et  c'est radical, le sexe biologique, le donné et le reçu naturels, le constat organique (toutes choses pas forcément synonymes d'ailleurs) ne fondent rien, culturellement parlant.

Ainsi s'élabore, dans le discours du gender, deux schémas, l'un classique et l'autre critique. Le classique est celui-ci par exemple : "je suis un homme - j'ai des attributs masculins - je me vis comme un homme - comme un individu ayant des attributs masculins - et je suis attiré par les femmes, c'est-à-dire par les individus qui ont des attributs féminins et qui se vivent comme des femmes." Ce schéma classique est doublé par sa version au féminin :  "je suis une femme, etc. " Pour ce schéma, tout ce qui n'entre pas dans son élaboration est de l'ordre de l'exception ou de l'anomalie. "Je suis un homme - je me vis comme une femme etc." ou "je suis une femme (je me vis comme une femme donc) et je suis attiré par les femmes",  sont des exceptions. Ces exceptions qui se manifestent  dans un contexte régi par les schémas normants. Le "régi" est compris par le gender comme une oppression - et on ne peut nier complètement que, de fait, historiquement, oppression il y eut parfois, sans toutefois, que cela soit lié conaturellement aux schémas eux-mêmes ou à la définition d'une norme- d'un modèle essentiellement patriarcal, machiste, d'homme adulte, hétérosexuel ( et blanc ou, du moins, occidental). 
La critique qu'adresse le genre est radicale : les notions de normes, de normatif, de normer, d'exceptions et d'anomalies sont exclues du système de pensée. Les schémas conséquents sont d'un autre ordre. La première caractéristique de cet ordre neuf est sa complexité. Du fait que le régime de l'exception soit impensable, il ne reste plus qu'un catalogue de possibilités, toutes ayant la même valeur existentielle. Aussi un schéma, dans le modèle du genre, a sa valeur fondamentale du fait même qu'il existe. Les propositions suivantes : "je suis un homme qui se vit comme une femme attirée par les hommes" ou "je suis une femme qui se vit comme une femme attirée par les femmes qui se vivent comme des hommes attirés par des femmes" ou "je suis un homme qui ne se vit ni comme homme, ni comme femme mais attiré par les hommes ou les femmes", etc. (la liste est presque infinie), sont parfaitement égales du simple fait que cela existe. L'existence a pour conséquence la légitimité égalisante. On se doute bien qu'il n'est nullement question de morale ou de norme - il n'y en a plus - ni d'éthique, ni même de vérité, mais uniquement d'une sincérité de l'individu dans son rapport à soi et au collectif. Cette sincérité, qui ne peut être décrite en terme moraux, ni en termes éthiques, ni en terme de vérité, ni fondée en nature, est de la pure subjectivité,  fondée psychiquement, causes et conséquences d'émotions et de pulsions. Si ce magma subjectif n'a rien de moral - et on prend soin qu'il n'ait rien de moral - il entraîne, cependant, une injonction éthique adressée aux autres individus et à la société toute entière qui est tenue, tout d'abord, de respecter la sincérité de mon vécu, et ensuite, de décrèter des lois, de mettre en place des dispositions, qui manifestent, d'une part, sa volonté de voir les normes, oppressives disparaître et, d'autre part, de m'offrir la possibilité pratique d'être celui que j'ai envie d'être, ou que je me sens vouloir être. 

Les amarres naturelles ayant été rompues, on peut naviguer à l'aise vers tous les horizons du possible. Et si, d'aventure, pendant la traversée se rencontre des pirates, des obstacles, on sort les canons de la culture. On vise ainsi les schémas culturels par les armes du culturels. On déconstruit ce qui est de la culture pour reconstruire en culture.
Ses canons, le genre les a fabriqué dans l'officine de la souffrance. Son mobile, le modèle du gender, l'a élaboré dans l'arrière-boutique de la douleur. Si le gender déclare qu'il n'y a pas de normes normantes ou normées, s'il déclare que tout se vaut, s'il fait preuve d'un relativisme dogmatique, c'est en première instance pour qu'il n'y ait plus d'exceptions, qu'il ne puisse plus exister d'anomalies. Le paradigme du genre est donc littéralement "hors-normes", ayant supprimé, par sa pirouette épistémologique, tout ce qui pouvait être tenu pour normal, et ayant fait de l'irrégularité, de l'inégal, son fondement. En celà, le modèle du genre est un modèle anomalique, étymologiquement parlant. L'anomalie pour tous, ou tous égaux dans l'anomalie, est une des expressions de son mobile. 

En ayant donc, déclaré - très arbitrairement, après tout, mais c'est son droit - que le constat du sexe biologique ne détermine que peu, ou rien, de la construction sexuée et que celui-ci  (ce que je sens, ce que par qui se suis attiré) n'appartient qu'à la culture et cela aussi bien dans les schèmes classiques, jugés oppressifs, que dans  les schèmes nouveaux, préjugés égalitaires et libérateurs, le gender peut désormais se livrer facilement à une lecture ou relecture de toute la culture dans tous ses versants. La culture ne sera jamais dans cette perspective qu'un immense fourre-tout, une immense salle de jeux où chacun, à sa guise, définit les règles, comme ses caprices ou ses illusions les lui inspirent. 
Curieusement, à première vue, mais logiquement, on retrouve unis dans ce combat pour le gender, ceux qui veulent la libérer l'enfant des carcans d'une société régie par des adultes et pour des adulte (cette libération pouvant servir à des fins diverses, et parfois, non avouables) ceux et celles qui promeuvent la libération de la femme, les homosexuelles qui prêchant la libération féminine prêchent aussi l'émancipation de la société hétéronormée et hétéronormante, et les homosexuels qui revendiquent la libération des schèmes machistes ou autres, mêmes s'ils jouent, pour certains,  à être plus machos que les machos hétérobasiques. On pourrait compter aussi dans les rangs du gender, comme discours de masse - comme délire commun, je devrais dire - les défendeurs de l'espèce animale. Le paradigme du genre deviendrait ainsi un paradigme d'espèce, il n'y a pas de raison que cela ne soit pas, et déjà certains signes nous montrent que nous allons par là . Le bateau navigue vers tous les horizons du possible sans que rien ne l'arrête : la mer du fantasme est vaste, bien plus vaste que celle de la réalité. On voit que la zoophile tente une approche timide, invoquant le mobile fondamental : s'il n'y a pas d'exception, la zoophilie n'en est pas une non plus. Elle peut très bien prétendre au statut égal et être tenue pour un schème tout à fait respectable puisqu'elle existe. Aussi, la proposition "je suis un homme, me vivant comme une femme, mais attiré sexuellement pas les canidés", est un schème qui demande le respect, la possibilité d'être vécu, sans stigmatisation et sans préjugés. On verra donc sous peu des ligues LGTBIQZ ("i" pour intersexe, "q" pour queer, et "z" pour zoophile. Appelons ces ligues du nom synthétique de "sous la ceinture" cela ira plus vite) jouer les bons apôtres pour qu'évolue cette société patriarcale, machiste, occidentalo-centrée, hétérosexuelle et humaine. Puisque, le temps où nous étions tous issus - intolérable violence - d'un homme et d'une femme, d'un "couple" hétérosexuel ou du moins d'une relation sexuelle hétéroformée ( forger des néologismes est obligatoire) s'éloigne et que vient le jour où on pourra "concevoir" virtuellement sans tenir compte ni du sexe, ni de la différence, ni de l'orientation, ni de la relation sexuelle, on concevra non pas "ex auditu" mais ex absoluto desiderio

Les groupes féministes et/ou lesbiens ont été historiquement les fers de lance du combat pour le genre, des études pour le genre et des recherches pour le genre. On retrouve d'ailleurs souvent dans les chercheurs sur le genre, des personnes émanant des cercles LGBTIQ et qui ont donc un intérêt personnel à ces recherches (ce qui en soit n'est pas un problème, mais qui peut le devenir eu égard à l'objectivité ou à l'impartialité). Pourquoi ? Serait-ce que les lesbiennes américaines dans les années 70 furent soudain prise de probité intellectuelle? Non pas. 
Dans le contexte sociologique de ces années-là, on ne pouvait plus tolérer la souffrance qu'il y avait à être juger, ostracisé, flétri, en raison de son homosexualité. Ce sentiment était raisonnable, juste, normal. L'émotion, légitime, est ainsi partie à la recherche de sa justification intellectuelle. Si la souffrance existait, si la douleur existait, si l'aliénation existait, c'est que certains me faisait souffrir, me faisait mal, que j'étais tenu prisonnier par certains, et qu'ils avaient un intérêt à ce que cela soit ainsi. Ma souffrance, je la devais à un autre, mon aliénation, je la tenais d'un autre. Moi, j'étais parfaitement innocent. Le coupable, c'était l'autre. Tenter de justifier ma souffrance, de la guérir, en cherchant les coupables, c'est ce que propose le paradigme du genre. Il apporte une raison là où tout n'était que douleur, il apporte des raisons là où la folie guettait. Le coupable, c'est la société dans laquelle je vis et qui est incapable de me rendre des comptes sur ce que je suis, ni rendre compte de ce que je suis. Ma souffrance est apaisée au prix de ce sacrifice. La société - sans qu'elle soit définie d'ailleurs - tuée, advient la société rêvée, preuve irréfutable que le coupable est bel et bien, et toujours, la société construite par des modèles oppressants inféodés à une certaine compréhension de la nature. 
Le paradigme du genre va donc élaborer, intellectuellement, une construction culturelle pour justifier ce que l'on tenait jusque là pour une anomalie. Cette élaboration s'accompagne d'une critique radicale de ce qui précède et notamment de l'illusion - c'est le genre qui parle - naturelle. Le mobile du genre est donc, en dernière analyse, émotif, sentimental, romantique, et apparait comme une justification a posteriori. Pour le paradigme du genre, à l'issue de sa recherche sacrificielle de coupable, la nature est redéfinie. Elle n'a plus aucune substance : est naturel ce qui advient, un point c'est tout, ce qui entre dans le champ du possible, du réalisé. Le sujet - mais quel sujet !- seul s'autodétermine en fonction de ce qu'il croit bon pour lui, et surtout en opposition aux normes qui subsistent encore. Cette autodétermination est de tous les moments, et elle exige de se situer de plain-pied dans l'absolu culturel, autrement dit de nier constamment le lien de nature pour refonder la nature des choses ( "nature" n'ayant plus la même acception). 

Pour mieux comprendre, j'illustre ici avec un autre thème. Supposons une société qui fut raciste et qui ne l'est plus, ou peu, mais qui pourrait le redevenir. Cette société est composée d'individus blancs, noirs, etc. Transposé dans cette société, et à propos des différences "raciales", un modèle du type du genre dirait que "je suis noir, je me sens noir, donc je suis noir", "je suis blanc, je ne sens blanc, donc je suis blanc", "je suis noir, je me sens blanc, donc je suis blanc" ou "je suis blanc, je me sens noir, donc je suis noir" sont parfaitement équivalents et n'ont rien à devoir à l'observation première - la couleur effective de la peau. N'est pris en compte que le ressenti - et l'on ne s'attarde pas à tenter d'en expliquer l'origine; cela n'a aucune importance.  Pour lutter contre le discours raciste qui voudrait que parce qu'on est effectivement noir ou blanc, l'on soit "naturellement", pour ainsi dire, assigné à telle ou telle place, un discours proprement délirant dont la visée est de tuer dans l’œuf les velléités racistes, se met en place.  Ce motif est-il suffisant pour rendre vrai ou juste, ou cohérent le discours ? Non, son caractère performatif,  dû au racisme ayant existé ou fantasmé, est strictement volontariste et ne repose sur rien de raisonné, ni de rationnel et, encore moins, de scientifique. 
Si cette société n'avait jamais été raciste. Il importerait peu qu'il y ait effectivement des noirs ou des blancs, cette différence serait non pas niée ou relativisée, mais tout simplement vécue : un noir serait aussi différent d'un blanc, qu'un blanc d'un noir, sans que cela puisse entraîner une quelconque hiérarchie. Dans une société qui est de fait raciste, la différence naturelle induit une différence de traitement fondée en nature. Et le discours qui s'élabore prétend alors que la différence de traitement est induite par la différence constatée en nature. Dans une société qui n'est plus foncièrement raciste, mais qui l'a été ou qui peut le redevenir, on déplace le spectre du racisme, largement fantasmé, autrement dit plus du tout rationalisé, au niveau culturel, en prétendant que la nature n'existe pas ou, que si elle existe, elle ne porte pas, ou peu, à conséquence ; que c'est la culture seule, c'est-à-dire le discours qui se construit à "propos de" qui fantasme l'existence d'une nature qui donnerait des normes ou des indications. L'exclusion de la nature, comme force illusoire et mythogène, se double d'un culturalisme universel, critiqué d'abord, en tant qu'il cultive l'illusion naturelle, et remplacé ensuite, par une autre élaboration culturelle. Le résultat, pour l'exemple donné, est que les différences de couleurs ne sont que du domaine du ressenti, de la construction a posteriori. Je puis donc dire, même si la nature m'a fait rose comme un cochon, que je suis ( "être", n'a plus de lien avec la réalité de l'objet, l'objectivité, mais avec l’expérience instantanée du sujet ressentant ) plus noir que l'ébène, puisque c'est ainsi que je me reçois dans le champ des possibles.


IIeme partie : Analyse de texte. 



Voici donc un "nègre inverti" qui prétend critiquer la critique et dépasser la critique. A vrai dire, cette démarche m'est sympathique. Recevoir la critique, critiquer la critique et dépasser la critique, est l'un des enseignements majeurs que j'ai reçu durant mes études laborieuses. 

(Pour ce qui est du nègre inverti, je ne sais si son inversion touche à sa couleur de peau ou à ses orientations sexuelles. Je ne sais s'il s'agit d'un noir qui se veut blanc, ou d'un blanc qui serait noir en réalité, ou d'un noir qui serait en fait un femme aimant les femmes, ou un blanc vivant sa négritude et qui, néanmoins serait gay. Bref, il s'agit de quelqu'un qui dit de lui qu'il est "nègre" et "inverti". "Dire de soi", le "dire sur soi", le "dire à propos de soi", cela me renvoie immanquablement à la psychanalyse. Je n'ai rien contre la psychanalyse, bien au contraire, mais lorsque l' "ambiance" du moment est de trainer derrière soi un divan, ou pire, s'en charger, comme naguère on se chargeait de sa croix, je trouve que l'ambiance devient vite onirique, cauchemardesque, lapsaire ( cfr lapsus). Les dires sur soi devraient rester cantonnés aux boudoirs de l'amour, à ceux du péché ou à ceux de l’inconscient. Par pitié, n'exposez plus votre âme, surtout quand vous ne croyez plus en avoir. ) 

Cela étant, reprenons. Il faut s'atteler à la lecture de l'article communiqué plus haut.

 "Nous savons ce que sont le Figaro et le Point dans le paysage médiatique français, et à quel(s) public(s) ils s’adressent." 
Cela commence plutôt mal. Tout, déjà, de la suite, est contenu dans cette simple ligne qui apparaît comme l'épigraphe, diablement condensée, de ce que la pensée dira au long de l'article. Donc puisque nous savons tout - qui est ce "nous" ? - quel(s) es(on)t le(s) public(s) - la mise entre parenthèses est évidemment un signe incontestablement d'intelligence - du Figaro, et du Point, nous savons quel est leur contenu et nous savons, a priori - avec toute la force de l'a priori kantien -, ce qu'il faut penser de celui-là.

"Il n’est pas donc étonnant qu’en toute mauvaise foi, ils reprennent, sans critique aucune, l’expression "théorie du genre", forgée à l’origine par ceux qui déclarent s’y "opposer" ; ils ne sont pas les seuls par ailleurs."   
Puisque, a priori, on sait ce que l'on doit penser, il n'y a donc aucune surprise à avoir : mauvaise foi sont propres au Figaro et au Point, c'est même leur fond de commerce, comme il se doit pour tout organe acritique. Donc les deux journaux usent de l'expression "théorie du genre" de mauvaise foi et ainsi font le jeu de ceux qui ont forgé l'expression pour s'y opposer. Et "par ailleurs", ils ne sont pas les seuls. Qui "ils" ne sont pas les seuls ? Le Figaro et le Point ? Ou ceux qui forgent ? Pour ces derniers, non ils ne sont pas les seuls. C'est même le propre de beaucoup : forger. Ainsi, certains forgent l'expression "théorie du genre", et d'autres forgent ce qu'elle recouvre. A ce petit jeu de forgeron, je ne sais pas qui modèle le pire  : les inventeurs d'expressions ou les inventeurs de réalité ? 

L'article poursuit avec l'affaire Money. On apprend ainsi, assez justement d'ailleurs, que Brian Reimer "à l’issue de l’opération, (il) n’avait plus un pénis "normal". Il est étrange de voir ce normal entre guillemets. L'auteur de l'article doit croire, et la lecture de la suite le confirmera, qu'il n'existe pas de normalité dans ce domaine. Il n'y a pas de pénis normal, pas plus que de vagins normaux, pas plus donc, que de pieds normaux, ni de mains normales. "Normal" est un adjectif haïssable (sauf pour un président). Si vos pieds vous empêchent de marcher à cause d'une malformation osseuse, par exemple, rassurez-vous, vous avez des pieds normaux. mais différents, voilà tout. Si vos mains ne vous servent plus de rien parce que vous ne pouvez plus les articuler, et bien vous avez des mains différentes. Si, par exemple, vous ne bander plus pour des raisons organiques, et bien vous avez toujours un pénis, ce qui n'est en soit ni normal, ni anormal.  Qu'il soit "normal" ou non, on s'en moque, cela n'a d'importance que pour un esprit étroit, pour les forgeurs d'expressions, pour les colporteurs de rumeurs, mais pour l'individu qui est au-dessus de tout cela, avoir ou non un organe en état de marche, c'est d'un petit, d'une médiocrité sans nom. A celui-ci qui n'a plus l'usage des ses jambes dites "tu as des jambes tout de même", et s'il ne les a plus "tu en as eu, console-toi",  et s'il n'en a jamais eu (mais ces cas-là sont rares aujourd'hui sauf dans les pays où l'obscurantisme règne, chez nous, on naît bien comme on meurt bien, la naissance et la mort sont présidées par les fées clochettes du bon, du bien, du digne et du sain.) dite- lui "Tu aurais pu avoir des jambes ou pas ". Les jambes, les bras, le nez, la bouche, les sexe, ne sont que des détails qui ne servent à rien, puisque d'un mot je dessine mon corps, d'un mot d'un seul, je me décorpore pour me réincorporer : "je veux !".

"Les parents s’inquiétaient du devenir de leur enfant, dans une société qui place le pénis comme le garant de l’identité "mâle". 
 Pourriture de parents, va ! Le pénis, comme on le sait, n'a rien à voir avec l'identité mâle. Pourriture de société, va ! C'est elle la coupable, elle place "le pénis comme garant de l'identité mâle". Elle le place où exactement ? Elle aurait pu placer autre chose comme garant de l' "identité mâle". Quoi donc ? Je ne sais pas moi, la pomme d'Adam tiens, par exemple. Mais alors, c'est elle qui devrait essuyer tous les opprobres. L'ennui est qu'il faille un garant d'une supposée "identité mâle". L'ennui est qu'il faille des identités, mâle ou femelle. Tout le mal vient du mâle, et un peu de la femelle. Il n'y aurait pas de femelle sans mâle. S'il ne fallait pas garantir le mâle de son identité, on n'aurait pas à le garantir contre l'identité d'un autre, ici, une autre. Et l'on ne placerait pas le pénis sur le contrat de garantie (cela me fait penser à une histoire biblique, mais j'ai dit que je ne parlais pas de religion), on n'étalerait pas, dans leur normalité insultante et illusoire, la marchandise sur la table de travail. On nous foutrais la paix avec ça. On cesserait de s'inquiéter pour des centimètres en moins, rarement en plus,  que l'on soit homme ou femme, homo ou hétéro.  On cesserait de s'inquiéter sur la bonne marche du bidule, que l'on soit homme ou femme, homo ou hétéro. On se moquerait des performances de l'outil qu'il nous colle au corps ou qu'on en profite par rencontre. Tout cela n'aurait plus aucune importance. Mais voilà, cela en a encore et visiblement, pour certains, un peu trop.

Poursuivons la lecture.
"En premier lieu, l’article du Figaro définit la "théorie du genre" comme "la conduite sexuelle qu’on choisit d’adopter, en dehors de notre sexe de naissance". Où avez-vous lu ça ? Comment peut-on se revendiquer de la pratique journaliste, et définir quelque chose d’une manière totalement fantasmatique ! Dans quel ouvrage sur le genre est-il question de "choisir" de manière personnelle une "conduite sexuelle" ? D’ailleurs qu’est-ce que c’est qu’une "conduite sexuelle" ?"  

La conduite sexuelle, Figaro "ou pas", nègre inverti "ou pas", est bien du domaine du choix libre. Ce qui ne l'est pas, c'est la pulsion sexuelle, et partant les orientations sexuelles. On ne choisit pas d'être homosexuel, par plus qu'on ne choisit d'être hétérosexuel. La liberté n'intervient qu'au moment où je me décide à donner corps aux pulsions et/ ou aux orientations sexuelles.  Vais-je me livrer aux orgies hétérosexuelles ? Vais-je assouvir mes pulsions homosexuelles ? Et comment ? Que la liberté soit difficile à exercer, ou qu'elle puisse être sous influence, ne font  pas qu'elle n'existe pas. C'est même d'ailleurs l'un des fondements du paradigme du genre. La formulation prêtée au Figaro n'est pas heureuse, soit. Une conduite sexuelle n'est pas à mettre en rapport avec le "sexe de naissance". Réduire le paradigme du genre, à une histoire de conduite, c'est faire du moralisme et ce n'est pas rendre compte de ce que se propose le modèle théorique du genre.
Cependant, à la question : "dans quel ouvrage sur le genre est-il question de "choisir" de manière personnelle une "conduite sexuelle" ?"  Dans tous, est la seule réponse valable.  En effet, c'est le mobile même du paradigme du genre : vivre en conformité avec ce que je ressens de moi, de mon corps, de mon sexe, ou non-sexe. Si le paradigme du genre n'avait aucune implication pratique et bien fermons boutique, et arrêtez, chers chercheurs du genre, de couper les cheveux en quatre.

D’ailleurs qu’est-ce que c’est qu’une "conduite sexuelle" ? Demande le nègre inverti ? Je pourrais ici étaler les références à des déontologies propres dans certains milieux gays qui, en guise de code moral, les stipules noir sur blanc : cela, par exemple, s'appelle une conduite sexuelle. En deçà même de la déontologie des rapports sexuels, il y a conduite sexuelle. Mais le nègre inverti a flairé, à juste tire, la morale - l'éthique dira le contemporain - et comme on sait la moral sent mauvais. Le nègre inverti - je ne m'y ferai pas, je crois - recule et crie : "Qu'est-ce qu'une conduite sexuelle ?"

Vient alors la définition des études sur le genre :
  "Comme ça l’a déjà été dit maintes fois, les études sur le genre analysent le sens social donné aux différences entre des personnes naissant avec un pénis, et d’autres avec un vagin. Vous n’avez jamais voyagé ? Vous n’avez pas de télé ? Vous n’êtes pas au courant que selon les cultures (ainsi que selon les époques), le sens attribué à ces différences varient ?
De plus, concernant ce choix "de manière personnelle", il est bon de rappeler qu’analyser le genre comme catégorie sociale, c’est prendre en compte les contraintes politiques (lois en place, mouvements sociaux organisés), économiques (moyens dont chacun dispose) et culturelles (ressources et marges de manoeuvre disponibles dans tel univers culturel) qui pèsent sur ce qu’il nous est possible ou pas de faire. En fonction des époques et des pays "changer de sexe" n’aura pas le même sens, parce que le contexte et les moyens possibles ne sont pas les mêmes." 
Les études de genre concernent donc le "sens", et le sens social plus précisément, que l'on donne aux différences entre les personnes qu'elles soient nées avec un pénis ou avec un vagin. Il n'est pas question dans la définition donnés de différences entre les hommes et les femmes, ni entre le pénis et le vagin, ni même de la possible interprétation données à ces différences. Il est question de différences entre les personnes - le genre s'occupe de celle concernant le sexe - et du sens social qu'elles ont ou plutôt qu'on leur donne.  Ce sens, et celui qui a voyagé ou regardé la télé le sait, varie dans l'espace et dans le temps, pour la bonne et simple raison qu'il s'agit d'un fait culturel. Le genre, cette "catégorie sociale" culturelle, donc, prend en compte la politique, l'économie, et la philosophie, que cela soit sous le rapport de la contrainte ou non. Mais pour le genre tout est contrainte, tout pèse sur ce qu'il est possible de faire ou ne pas faire et, donc, "en fonction des époques et des pays "changer de sexe" n’aura pas le même sens, parce que le contexte et les moyens possibles ne sont pas les mêmes."  Forcément. La question soulevée ici est non seulement d'ordre philosophique mais anthropologique. Et le passage cité fait preuve d'une totale confusion. Une confusion toute poétique, estampille des temps qui courent. Par "poétique", il ne faut pas comprendre quelque chose de littéraire ou d'esthétique, mais bien le prendre au sens le plus littéraire : dire c'est faire, ce que l'on dit est, par le truchement de la parole performative, ce qui est. Alors que la saine philosophie voudrait que ce soit ce qui est qui soit dit. Dire précède aujourd'hui toute vérité objective, la parole, et la parole subjective, fait advenir un réel qui ne se matérialise jamais, qui reste du pur fantasme et qui confine au délire.

Poursuivons.  

"Précisons tout de même que je n’aime pas en contexte occidental tellement ethnocentré prendre des exemples de pays non occidentaux, car cela amène toujours certain-e-s à se sentir supérieur-e-s et "plus avancé-e-s.."  

Lieu commun, antienne, ritournelle. Il est vrai que les Chinois ne sont pas ethnocentrés, pas plus que le monde arabe, ni même je ne sais quelle peuplade paradisiaque de l'Amazonie heureuse. Ce qui est évident, c'est que le monde occidental est le seul à se dire explicitement ethnocentré et le seul à craindre et à critiquer sa prétendue supériorité, il est le seul à s'en défier et à battre sa couple dans un réflexe qui, lui aussi, tient de la posture collective largement parasitée par, je ne sais, quel autre délire mimétique.

"Je ne résiste pas à me saisir de cet exemple :  en Albanie et au Kosovo, "changer de sexe" pour passer de fille à garçon – uniquement dans ce sens – répond à des logiques économiques, lorsqu’une famille n’a pas de descendance mâle. Ce n’est pas du tout révolutionnaire : c’est un devoir au nom de la communauté, ce qui est totalement étranger à la vision occidentale. Le genre, construit social, ça commence à vous parler ?
Il fait bien M., ou Mme.,  nègre inverti de ne pas résister. Albanie et le Kosovo, sont donc au Proche-Orient... intéressant, ou alors il faut redéfinir ce qu'est l'Occident et ce qu'il n'est pas. La définition dépendra sans doute de ce qu'on voudra en faire. Aussi, l'Occident et l'Orient seront, eux-aussi, soumis à un paradigme du genre sui generis - c'est le cas de le dire - où on trouvera un Occident oriental, un Orient occidental, un Orient oriental et un Occident occidental. Il suffit de dire pour que cela soit. Privilège divin, à vrai dire, mais ne parlons pas de théologie ici.
Donc au Kosovo et en Albanie pour changer le sens de son sexe (changement de sexe, qui n'en est pas un, cfr article ci-dessous) l'on est embarqué dans des logiques économiques : une famille n'a pas de descendance mâle et bien que cela ne tienne on fera un mâle d'une fille. D'après nègre inverti,  le phallus est dans le porte-monnaie. Ce geste n'est aucunement révolutionnaire, il s'inscrit dans une logique communautaire, logique totalement incompréhensible, bien sûr, au monde Occidental. Alors oui, le genre, construit (sic) social, ça ( un ça tout freudien) continue à me parler.
( Dans les sociétés où "être un homme" veut encore dire, à tord ou à raison, quelque chose, on préférera s'équiper d'un pénis - qui, on se rappelle, n'a strictement aucune espèce d'importance dans l'identité mâle - ou de ce qui le signifie.  Dans les sociétés où "être un homme" est quelque chose de très confus, devenir tous des femmes est la logique dominante. Mais on peut passer d'une logique à l'autre, et les deux logiques peuvent coexister dans un même discours. René Girard, à propos de tout autre chose, explique parfaitement ce genre de paradoxe. Il est intéressant d'apprendre que ses femmes ayant assumé tous les signes de l'être-homme doivent cependant, telles des religieuses, faire, d'après l'article "vœu de célibat et de chasteté"(aucune descendance donc, même en tant que mâles). Comment cela se traduit-il ? Je ne sais. Je suspecte cependant d'autres choses qu'un banal désir d'émancipation signalé par un "vœu".)

L'article poursuit avec des remarques sur l'intersexualité. L'auteur signale ici que l'anomalie d'avoir deux sexes, ou deux ébauches de sexes, n'est nullement une anomalie, mais est un sexe en soit. Et que le crime, médical, est justement de vouloir ici corriger ce que la nature à fait. La nature se réinvite à l'occasion dans le modèle du genre quand cela l'intéresse. Toutes les anomalies sont naturelles, voulue par Mère Nature, et il faut respecter ses choix. Surtout ne pas vouloir apporter un correctif à la nature. Mais si vous êtes né femme et que vous voulez changer de sexe parce que vous vous sentez homme, il n'y a aucun problème, le corps médical est ici sommé d'intervenir pour satisfaire votre lubie ou votre désir. Dans le cas de l'intersexualité ou de l'hermaphrodisme, la médecine est priée de se tenir coite et de ranger le scalpel.

Après ces remarques pertinentes, nègre inverti en arrive au gros morceau : le Docteur Money. Il n'est pas aimé le Money, par personne, mais pour diverses raisons. Money, c'est le Janus du sexuel. Le dieu à deux visages, le schizophrène de service. Pour les uns, péché originel du "gender", pour les autres, incarnation médicale du stéréotype de la société patriarcale et phallique. Nègre inverti, choisit ce visage-là, parce que ça l'arrange : 

"si cet enfant a subi un changement de sexe forcé, ce n’est pas parce que le médecin remettait en question les rôles de genre, mais parce que lui, tout comme les parents, étaient profondément acquis aux normes de genre traditionnels : ils considéraient qu’un petit garçon, et plus tard un homme, ne pourrait pas vivre une vie de "mâle" sans "pénis normal". Ce sont eux, qui pour correspondre aux attentes traditionnels de la masculinité, on préféré le transformer en fille."

L'argument semble faire mouche. Si Brian devient Brenda, c'est parce que Money et les parents croient qu'il est impossible désormais que le petit garçon puisse vivre une vie de mâle, eu égard au traumatisme subit par son pénis. Donc, Money et les parents, comme il est logique, transforment le petit garçon en petite fille. La vérité est que Money, imbu d'idée de genre - idées qui iront en s'enrichissant, après lui - pense que le "genre" n'est pas lié au sexe biologique, et donc envisage sereinement la "transformation". Non seulement Money se trompe en restreignant le "sexe biologique" à un organe - ici endommagé - et il se trompe en pensant qu'il suffit de changer l'organe pour avoir un autre genre. Money n'est pas du tout le garant de je ne sais quelle société patriarcale, machiste et traditionnelle,  il est le premier à disjoindre, à sectionner le lien organique entre sexe biologique, nature et réalisation sociale d'une personne. Le premier à penser que l'éducation peut, si elle veut, faire d'un petit garçon une petite fille. Money, pour que l'éducation porte vraiment ses fruits, fait du petit garçon Brian, une "vraie" petite fille Brenda : il touche à la nature au nom de la culture.
Lorsque, dans la suite de l'article, nègre inverti pense que "  ce n’est pas parce qu’on a un organe mâle "cassé", ou qu’on en n’a pas du tout, qu’on ne peut pas être un homme" et qu' "une personne née avec un pénis dit malformé, ou accidenté en grandissant, de même qu’une personne qui devient un homme par changement de sexe, sont bien des hommes" parce que  "différentes expériences de la masculinité (ou des masculinités) n’en font pas moins des hommes",  il commet la même erreur que Money, et la conduit plus loin encore. Pour nègre inverti, il n'est même plus nécessaire de faire le changement de sexe, il suffit de se croire homme ( ou femme) pour être un homme ou une femme. Le lien avec le sexe organique que maintenait encore Money, les adeptes du genre contemporains l'ont coupé radicalement. La masculinité ou la féminité sont indépendantes de quelconques organes visibles. Le réel est dans la parole performative, sans qu'il soit nécessaire de se poser la question de l'origine de cette parole qui fait qu'à un moment donné je puisse dire ayant des organes féminins, étant une femme biologiquement parlant :  "je suis un homme".
Si Bruce à été "charcuté" c'est que, dans une intention thérapeutique, Money pensait qu'il suffisait de changer effectivement de sexe et de recevoir une éducation (culture) appropriée - autrement dit que la féminité ou la masculinité sont le résultat d'un impact culturel ( ce que pense le "genre") - pour que la réalité sexualo-existentielle d'un individu change. Il n'en est rien et , en l'espèce, ce fut même dramatique. Faire de Money, le sorcier tragique de la société normée et oppressive est une vaste blague. Money n'est pas Butler ni ses comparses saphico-féministes certes, mais il est le germe de l'arbre du genre. Et sa volonté personnelle était bien de "remettre en cause les normes de la société " comme, du reste, le prouve aisément toute son implication dans l'apologie de la pédophilie dont ce "tripotage" chirurgical ne fut qu'un des nombreux aspects.

Que certaines personnes, opposées aux paradigmes développés par le genre, en reviennent systématiquement à Money est donc parfaitement compréhensible. Ils y voient, en effet, la "fable" - pour reprendre une notion Certeausienne - du "genre", son cas princeps et, oui, son "péché originel". Les études ou les recherches de genre ne feront que reprendre et développer l'intuition première du Docteur Money, sans toutefois lui prêter allégeance, ce qui n'est pas indispensable pour considérer qu'il y a effectivement un lien généalogique.